Châteaux de France inscrits et classés au titre des Monuments Historiques

Châteaux de France inscrits et classés au titre des Monuments Historiques

dimanche 15 juin 2025

Château d'Entrevaux

 

La première mention d'un castrum de Entrevals, dans une reconnaissance de vassalité, remonte au tout début du XIIIe siècle, date à laquelle ce château constitue une entité distincte de la ville, ancien civitate siège d'un diocèse, alors connue sous le toponyme de La Seds, après avoir porté le nom de Glandèves depuis le Haut Moyen-Âge. Au début du XIIIe siècle, le château d'Entrevaux est détenu par Pierre de Saint-Alban (alias Pierre Balps), seigneur de Montblanc, Villevieille, Saint-Cassien, Le Thoët, fils du gouverneur de Provence Guillaume de Saint Alban. Toutefois, cette position fortifiée est de celles, avec Puget, dont les seigneurs demeurent réfractaires à une soumission au comte de Provence Raimond Béranger V, et qui ne figurent donc pas dans la liste des châteaux sur lesquels le pouvoir comtal a la mainmise, liste établie en 12353. A cette dernière date, Anselme, fils de Pierre de Saint-Alban, lui a succédé depuis deux ans dans la possession de la majeure partie de ses fiefs, et s'intitule seigneur de Montblanc, Glandèves, La Sedz, et Entrevaux, ces trois derniers toponymes concernant le même lieu, sur une étendue plus vaste que le bourg actuel, mais formant des fiefs distincts: le ressort du premier correspondait au territoire du diocèse primitif du haut Moyen-Âge et comportait des arrière-fiefs, le second, sans doute démembré du premier, était un fief lié au diocèse couvrant la partie de l'habitat aggloméré dans laquelle s'élevait l'église cathédrale, sur un site différent du bourg actuel, en aval sur le Var, le troisième était la seigneurie du château, qui s'étendait peut-être à un hypothétique peuplement castral perché, sinon à l'habitat aggloméré pérennisé par le bourg actuel. A ce propos, il faut préciser non seulement que le château est assez distant du bourg actuel même s'il semble le surplomber directement, mais encore qu'il n'existait avant le XVIIe siècle aucun chemin direct du bourg au château, et que par conséquent ce dernier était complètement indépendant à la fois dans ses accès et dans sa capacité défensive. Si l'état actuel du site donne l'image d'un ensemble fortifié de type "bourg castral" dont le château n'est qu'un sous-ensemble, cette image est complètement illusoire et fausse pour la période médiévale, la réunion de l'enceinte de l'agglomération et du château dans un complexe défensif interdépendant étant une création de la fin du XVIIe siècle. Comme le fief le plus ancien et le plus important territorialement était celui de Glandèves, Anselme prit et transmit à sa postérité le titre de baron de Glandevez. Anselme de Glandevez et son frère cadet Jean, détenteur de quelques fiefs secondaires, avaient fait hommage de leurs possessions au comte Raimond-Béranger, en même temps que l'évêque de Glandèves, Pons Irmet, co-seigneur de La Sedz, en 1238. A la possession du château d'Entrevaux était associé un droit de péage portant sur le passage entre la vallée du Var et celle de La Chalvaigne. Le fait que le château ne commande que de très loin ce point de passage a fait supposer sans preuves qu'un premier site castral pouvait se trouver dans le bourg, et non sur le sommet de l'éperon rocheux. Cette hypothèse est peu vraisemblable, le contrôle du péage lié au château n'imposant pas une stricte contiguïté topographique du château et du point de passage, surtout dans le cas de seigneurs du château également possesseurs des droits seigneuriaux sur l'ensemble du site, ville et fief diocésain. En 1249, alors que Charles d'Anjou est comte de Provence, Jean de Foley, bâtard de Savoie, s'intitule seigneur du château d'Entrevaux et entreprend une guerre féodale avec Albino de Bueil, seigneur de Puget. Par la suite, les barons de Glandevez semblent avoir tôt recouvré la possession du château d'Entrevaux. A la fin du XIIIe siècle, le baron de Glandevez (à cette époque Isnard de Glandevez dit Le Vieux, qui était viguier de Marseille) s'intitule seigneur de Glandèves et Entrevaux (avec en outre les seigneuries de Montblanc, Le Castellet-Saint-Cassien, Villevieille,Thorame, Bueil et un tiers du château de Tournefort), le dénombrement qu'il fait des possessions de sa famille en 1310, mentionne un partage de droit entre les barons de Glandèves et l'évêque sur le fief de La Sedz et l'épiscopat de Glandèves, dont les barons détiennent un tiers. Réciproquement, l'évêque détient un tiers du castrum d'Entrevaux. L'un de ses frères, Anselme, devint évêque de Glandèves officiellement en 1316 et fit hommage de sa part au comte de Provence le 20 avril de cette année. Durant les quarante années (1343-1382) de possession du comté de Provence par la "reine Jeanne" (Jeanne de Naples, petite-fille de Charles II d'Anjou), trois barons de Glandèves se succèdent: Guillaume Féraud, Boniface Féraud, Isnard de Glandevez dit Le Grand. La mère de Guillaume Féraud, épouse d'Isnard le Vieux, était Ermengarde d'Agoult, de la famille des Agoult, barons de Sault, qui gouvernèrent le comté en tant que sénéchaux de Provence à partir de 1348, par délégation de la reine Jeanne résidant à Naples. Cette situation dut favoriser la position des barons de Glandevez seigneurs d'Entrevaux sur l'échiquier féodal de la Provence. En 1350, le toponyme d'Entrevaux, attaché au seul château, devint le nom officiel de la petite ville, le nom de La Sedz n'apparaissant plus de façon résiduelle que pour désigner l'un des trois fiefs locaux et le territoire correspondant, et celui de Glandèves perdurant pour désigner la baronnie et le diocèse. Durant la guerre de succession du comté de Provence et du royaume de Naples (1382-1384) entre Charles de Duras, héritier présomptif désavoué et assassin de la reine Jeanne, et Louis I d'Anjou, frère du roi de France Charles V, Isnard de Glandevez Le Grand prit le parti de Louis d'Anjou. Après la mort de celui-ci en 1384, sa veuve et régente Marie de Blois parvint à maintenir les droits de son fils Louis II d'Anjou en Provence contre les partisans de Charles de Duras grâce au soutien du pape d'Avignon Clément VII et du sénéchal de Provence Foulques d'Agoult. Par lettres du 12 aout 1385, Marie de Blois confirma Isnard de Glandevez dans ses droits territoriaux sur les seigneuries d'Entrevaux, La Sedz (en totalité), Montblanc, (Le Castellet) Saint-Cassien, Villevieille. En 1387, après la mort de Charles de Duras, Louis II d'Anjou, encore mineur sous tutelle de la régente Marie de Blois, est reconnu par l'ensemble des seigneurs et des villes de Provence occidentale et centrale, mais un seigneur influent de Provence orientale, Jean de Grimaldi, baron de Beuil, maître des vigueries et bailies de Nice et de Puget-Theniers, et de la baillie de Barcelonette, fait sécession en se plaçant sous le protection du comte de Savoie. Ce dernier, avec l'aval de l'empereur d'Allemagne, annexe en 1388 la viguerie de Nice qu'il érige en comté et y rattache la partie de celle de Puget-Théniers qui ne résiste pas à cette emprise. La haute vallée du Var est désormais partagée entre les deux mouvances: les parties est et nord, avec Puget-Théniers, Beuil, Entraunes, passe au comté de Nice sous tutelle savoyarde, tandis que la partie occidentale, dont Entrevaux, Daluis et Guillaumes, restent sous la souveraineté des comtes de Provence de la maison d'Anjou. Ces circonstances donnent au castrum seigneurial d'Entrevaux le statut de place frontière, mais la présomption d'une campagne de renforcement des fortifications du lieu à cette époque, assurément utile pour la défense du comté, ne peut être que conjecturale. Quoiqu'il en soit, les rares éléments médiévaux actuellement conservés dans le château remontent vraisemblablement à une période plus ancienne (XIIIe siècle) et ne présentent aucun caractère défensif. En 1398, Isnard Le Grand, baron de Glandevez et seigneur d'Entrevaux fut mis par les États de Provence réunis à Aix à la tête de la répression contre la guerre d'indépendance conduite depuis 1389 par Raymond Roger de Beaufort, vicomte de Turenne et vicomte de Valerne en Provence10, dont le patrimoine Provençal résultait d'aliénations sur le domaine comtal consenties par la Reine Jeanne et révoquées par Marie de Blois. A la fin de cette guerre, en 1399, Pierre de Glandevez succéda à son père Isnard Le Grand et fit hommage de ses terres à Louis II d'Anjou, roi de Sicile et comte de Provence, transmises à sa mort en 1409 à son fils Baudouin de Glandevez. A l'heure de la réunion du comté de Provence à la couronne de France sous le règne de Louis XI et de Charles VIII, les barons de Glandevez avaient augmenté leur assise territoriale: dans l'hommage qu'il rend au roi Louis XII le 14 février 1505, Jacques de Glandevez se déclare seigneur de Glandèves-Entrevaux, Castellet Saint-Cassien, Villevieille, Montblanc, La Colle, Saint-Michel, Entrecasteaux et Vintimille. En juillet 1536, sous François 1er, le même Jacques de Glandevez et son fils Balthazar furent assiégés dans leur château d'Entrevaux, où s'étaient réfugiés les habitants du bourg, par un détachement de l'armée des impériaux de Charles Quint. Dépossédés, il dut céder place à l'occupant, en l'occurrence Erasme Gallien, capitaine de mercenaires niçois, et son lieutenant le capitaine Louis Dupin, commandant une garnison à la solde des impériaux. En 1540, René Grimaldi, baron de Beuil (descendant de celui qui avait provoqué plus tôt le passage de la Provence orientale dans la mouvance savoyarde) acheta le château d'Entrevaux aux capitaines qui en avaient la garde, mais cette acquisition, négociée durant une période de trêve de cinq ans (1538-1543) entre l'Empire et le royaume, était illégale. Début juillet 1542, les habitants d'Entrevaux révoltés surprirent la garnison et, ayant pris possession du château, chassèrent les occupants. Aussitôt après ce coup de force, pour se libérer de la tutelle seigneuriale, tant de Beuil que des Glandevez, suspects de trahison en 1536, ils se placèrent sous la protection directe du roi de France. Leur représentant, Jérome Bernard fut dépêché par procuration pour remettre au roi représenté par son fils Henri, Dauphin de France, lieutenant général du royaume, les clefs de la ville et du château d'Entrevaux. Le Dauphin, par charte datée d'Avignon le 31 juillet 1542, et le roi, par ratification du 29 septembre suivant, acceptèrent la ville, château et forteresse d'Entrevaux comme de propre patrimoine... sans que jamais ils en soient ou puissent être séparés, aliénés ni démembrés, vendus, baillés ni inféodés à autre seigneur ni vassal quelconque, se réservant la jouissance du château et le droit d'y nommer un capitaine, et accordèrent aux habitants l'exemption de tout impôt, de tout logement des gens de guerre, et de tous autres subsides si ce n'est pour la garde et défense desdits lieux. Entrevaux, qui n'a jamais été un château des comtes de Provence, fut donc réuni à la couronne dans des circonstances extraordinaires, au prix d'une dépossession de ses seigneurs légitimes, les Glandevez. Gaspard de Glandevez fit valoir ses droits auprès du parlement de Provence, mais aux termes d'une transaction du 3 mai 1553, il n'obtint qu'un dédommagement de mille écus d'or versé non pas par l'administration royale, mais par la communauté des habitants d'Entrevaux, cette somme constituant la valeur de rachat des droits seigneuriaux perdus au bénéfice de la ville. Devenue de facto place-forte d'intérêt public digne d'être dotée sinon d'un commandement militaire, au moins d'une garnison, comme l'annonce flatteusement la charte royale de juillet 1542: "icelle place et château qui est fort et de bonne et grande importance pour le service dudit seigneur (le roi)", Entrevaux ne vaut pourtant que par sa position stratégique commandant la route de la vallée du Var et par la topographie avantageuse de son site. En effet, le château n'est qu'une ancienne résidence seigneuriale sans doute très peu fortifiée. Une première époque justifiant une remise en état de défense est celle des guerres de Religion (de la décennie 1560 à 1598). Au château d'Entrevaux, un élément architectural post médiéval important date à coup sûr de cette époque: il s'agit d'un pseudo bastion occupant l'angle nord-est du château dont il forme une partie du mur d'enveloppe, ouvrage triangulaire à deux faces réunies en angle aigu tourné vers le secteur dominé et le chemin d'accès à la porte alors unique du château. Par sa nature, le mur d'enveloppe de la terrasse haute du "donjon", au point haut du rocher qu'occupe le château, peut être considéré par hypothèse comme une réalisation de la même période. Autre ouvrage qu'on pourrait croire construit ou réaménagé vers la fin du XVIe ou le début du XVIIe siècle est l'enceinte basse extérieure ou fausse braie qui enveloppe de près le tiers sud-est du château en suivant les contours irréguliers du rocher. Cet ouvrage divisé en quatre segments par trois traverses successives abrite l'itinéraire d'accès à la porte haute du château depuis la porte extérieure ouverte du côté dominé au nord. Le dessin du topographe piémontais, très imprécis et assez mal exprimé, n'indique en place que la quatrième partie de cette fausse braie, celle attenante à la porte du château, qui abrite une rampe en escalier. Il y a lieu de penser qu'à l'époque de ce dessin, la fausse braie et la porte extérieure nord n'existaient pas encore et que seule la rampe en escalier montant à la porte haute était protégée par un mur d'enveloppe, le cheminement précédent étant ménagé à découvert sur le rocher escarpé au pied des murs est. Ces travaux de fortification non documentés pourraient être mis par hypothèse au crédit de Raymond de Bonnefons qui dans la dernière décennie du XVIe siècle était ingénieur pour le roy en Provence, Daulphiné et Bresse. D'autres travaux complémentaires de fortification doivent être reportés au XVIIe siècle, plutôt dans la première moitié, à en juger par l'état de délabrement relatif dans lequel Vauban va trouver le château en 1700, indice d'une incurie de plusieurs décennies. Sommairement entretenu et laissé aux soins d'une modeste garnison jusqu'en 1690, délaissé par ses capitaines en titre, le château d'Entrevaux fut jugé à cette date, avec la ville close, digne de reprendre un statut plus opérationnel de place-forte royale. La guerre de la Ligue d'Augsbourg (1688-1697) plaça au printemps 1690 le duc de Savoie, d'abord allié de Louis XIV, en position d'hostilité armée face à la France du fait de diverses opérations militaires lancées sur son territoire contre les Vaudois. Le marquis de Sabran-Beaudinard fut dépêché pour prendre le commandement de la place d'Entrevaux le 26 juin 1690, ce qui lui fit constater l'insuffisance notoire de la mise en état de défense de la ville et du château. S'ensuivit immédiatement la création d'un poste permanent (pendant la durée de la guerre) de gouverneur militaire responsable de la place dans son ensemble, et non seulement du château, à la différence des capitaines nommés depuis le milieu du XVIe siècle. Dans l'urgence, les ingénieurs militaires furent chargés par Louvois de procéder à des travaux de renforcement des fortifications qui furent mis en chantier consécutivement à un mémoire rédigé le 15 octobre 1690 principalement sur les places de Seyne, Colmars, Digne et Entrevaux par l'ingénieur militaire Antoine Niquet, directeur des fortifications de Provence. A Seyne et Colmars, les chantiers étaient pleinement actifs à partir de décembre 1690; S'il en de même à Entrevaux, ces premiers travaux ne paraissent pas avoir concerné le château. Les succès du maréchal de Catinat contre les savoyards, couronnés par la prise des places-fortes de Villefranche et de Nice (25-30 mars 1691) coupaient en principe la voie aux entreprises des armées de la Ligue d'Augsbourg sur la Provence. Les travaux d'Entrevaux n'étaient donc plus prioritaires, et laissés en attente ou interrompus. Dans un rapport daté de décembre 1691, un informateur de Louvois en rappelle la nécessité toujours actuelle: "les lieux de la comté de Beuil qui sont vis à vis d'Entrevaux et qui sont soumis sembleroient devoir mettre à couvert ce poste qui est un des plus importants de la frontière de Provence. Mais comme ce pays conquis n'est tenu en bride par aucunes troupes du Roy et que les habitants n'auroient ny le pouvoir, ny peut-être la volonté d'empêcher des troupes ennemies de s'y introduire on peut dire qu'Entrevaux est toujours fort exposé. Il me paroit qu'on ne doit pas négliger de le fortifier bientôt". En 1692, après une incursion avortée de l'armée de Victor-Amédée de Savoie dans le nord du comté de Nice, les travaux de fortifications d'Entrevaux avaient repris, toujours sous la direction de Niquet. A la fin de l'été, Vauban entreprend une tournée d'inspection dans les Alpes, du Dauphiné à la Haute Provence, qui dure de septembre à décembre 1692. S'il visite alors Embrun et Sisteron, il renonce à voir Entrevaux, découragé par la difficulté des accès en hiver. Il rédige un premier projet général pour Entrevaux dans une lettre du 23 janvier 1693 expliquant à Michel Le Peletier de Souzy, directeur général des Fortifications, à propos de ces trois places: j'ai fait venir les ingénieurs au moyen desquels et de M. Niquet, j'ai réglé les dessins avec autant de connaîssance comme si j'avais été sur les lieux. Le château est traité rapidement par ce premier projet sommaire, et y est considéré comme très imparfait, mal bâti est si petit qu'il ne peut contenir le tiers des couverts nécessaires à sa garnison. En dehors d'un projet de principe préconisant une démolition d'une bonne partie du bâti existant, pour construire en lieu et place des bâtiments voûtés portant terrasse, Vauban affirme la nécessité immédiate d'établir une rampe de communication praticable qui y conduise depuis la ville, avec une nouvelle avant porte au sud de la fausse braie, qui deviendrait l'entrée principale. Pour le reste, Vauban s'en remettait dans les faits à Niquet et ses collaborateurs, dont Hercule Hue de Langrune et les ingénieur Jacques Laurens16, N. Boniquet, N. du Gazel, pour poursuivre les améliorations qu'ils avaient jugé nécessaires depuis 1690. Ces travaux, qui connurent des phases très actives en 1692-1693 et en 1697, sous traités à des maîtres maçons et entrepreneurs civils (les noms de François Grasset, Jacques Solloment, Alexi Paben nous sont parvenus) aboutirent a la reconstruction complète des bâtiments dits du "donjon" (1697), à la suppression d'une chapelle qui régnait au dessus de la porte haute du château, à la démolition et reconstruction partielle de bâtiments au sud-est du château (1697). Le bâtiment principal de la grande salle fut sommairement réparé, pour l'étage supérieur et le toit (1693). Les autres gros travaux furent la création de l'ouvrage d'entrée sud de la fausse braie, à pont-levis, et en la reconstruction de l'avant porte nord formant ouvrage saillant avec pont-levis (1693) et corps de garde (1697). A la Toussaint de 1'année 1700, Vauban, en tournée d'inspection, séjourne huit jours à Entrevaux pour élaborer un nouveau projet général plus renseigné et détaillé que le précédent, et pour corriger certaines erreurs d'appréciation antérieures. A la différence de ce qui fut le cas en 1693, Vauban accorde beaucoup d'attention au château, dont il juge la réalité architecturale et défensive aussi médiocre que sa position topographique est avantageuse. A l'issue de la longue description de l'état des lieux qui ne fait l'impasse sur aucun des défauts des constructions, Vauban, dans une rhétorique destinée à justifier son projet de refonte radicale, donne une conclusion fortement dépréciative, qui n'épargne pas les travaux récents dirigés par Niquet: "voila en quoy consiste le chasteau d'Antrevaux qui devant les réparacions qu'on y a faites avoit bien plus l'air d'une ancienne gentilhommière ruinée que d'une forteresse. On voit bien que les premiers qui se sont nichez là ont eu envie d'y estre les plus forts, mais on voit aussi qu'ils n'ont jamais eu les moyens ny l'industrie de s'y assez bien establir, car à le bien prendre, ce n'est qu'un taudis deslabré, bon a fort peu de choses dans l'estat qu'il est mais qui se pourra très bien accommoder, la situation en estant excellente et les dispositions très favorables. Ce n'est pas que je sois content de ce qu'on y a fait, il s'en faut beaucoup hors le petit bastiment du donjon qui n'est pas sans faute, il ny a pas un bout de mur de 3 thoises de long qui ne soit répréhensible de quelque malfaçon à laquelle le peu de cas qu'on a fait de cette place n'a pas moins contribué que l'incapacité et le fréquent changement des gens qui s'en sont meslez par les suites, si sa Majesté a la bonté d'agréer le projet cy après". Vauban propose de façon distincte la démolition et reconstruction de la travée de bâtiment située entre la porte du château et l'ouvrage en "angle", soit un magasin voûté ancien sur lequel a été reconstruit en 1697 un local d'étage unique, à remplacer par deux étages à utiliser pour des moulins à bras et de grenier, le magasin reconstruit devant servir de magasin à poudres. Dans le prolongement de cette travée de bâtiment, il propose de construire un grand magasin dans le vide intérieur du grand angle, adossé sur sa face droite, de même hauteur que les autres bâtiments, voûté et percé d'évents en bas, avec salle d'armes au premier étage, et réserve de mèches au deuxième étage sous le toit. Ce grand magasin n'a pas été réalisé, non plus que les deux petits souterrains voûtés prévus dans les espaces laissés vides entre ses murs et les faces intérieures du grand "angle", au nord et à l'ouest, celui de l'ouest proposé comme citerne. Par contre la travée existante a été effectivement reprise sans grande démolition avant 1710, prolongée d'une travée supplémentaire au nord-est, appuyée sur le mur de l'ouvrage en "angle" en recomposant toute la distribution intérieure. Celle-ci est dotée comme prévu de deux étages le tout desservi par un escalier intérieur. Les deux portes à pont-levis, la porte nord, dite "de secours", refaite en 1693 mais inachevée en élévation, et la porte sud vers la ville, créée ex nihilo la même année, ne seront pas aussi profondément restructurée que le proposait Vauban, qui voulait substituer des ponts-levis à bascule à leur pont-levis à flèches. Ce changement ne sera pas fait, et l'ouvrage d'entrée sud restera dans son état de 1693, sans épaississement de ses murs... Vers 1960, la municipalité loua le château à un industriel d'Antibes, M. Poirier, de qui on espérait la mise en œuvre de travaux de restauration dans une logique de mécénat privé: "...le château sera dans les jours qui viennent transformé. Son accès deviendra facile et pratique et permettra à tous les touristes, tout en bénéficiant des transformations, embellissements et commodités intérieures qu'apportera M. Poirier, de jouir d'une vue splendide sur la vallée du Var et les montagnes environnantes". Cet espoir resté sans lendemain, la dégradation du château continua, aggravée de pillages et de vandalisme; la porte de secours, en, particulier, tombait en ruines (bretèche détruite). Une volonté d'implication des habitants dans la sauvegarde du château fut suscitée par l'équipe municipale après 1974 sans trouver dans un premier temps les moyens appropriés. En 1984, la municipalité fit délégation de sa maîtrise d'ouvrage sur les travaux de restauration et mise en valeur à entreprendre à l'Association Culturelle Intervalles, promue par Roger Greaves, qui avait également la co-gestion de l'office de Tourisme. S'ensuivit une étude préalable à un projet de restauration, avec relevés du château, conduite par l'architecte en chef des Monuments Historiques Francesco Flavigny, datée du 1er octobre 1985. Les travaux exécutés à partir de 1986 d'après cette étude furent le déblaiement des ruines du bâtiment de 1916 sur la plate-forme du donjon, la restauration de la porte de secours, la réfection des couvertures et charpentes des bâtiments, la restauration des traverses et des parapets de la rampe d'accès.

Éléments protégés MH: le château : inscription par arrêté du 18 février 1927. La porte principale à pont-levis et le pont qui forment l'entrée de la ville : classement par arrêté du 19 mars 1921. L'ensemble des fortifications et la citadelle (sauf parties déjà classées) : classement par arrêté du 23 décembre 1937. 

 château d'Entrevaux 04320 Entrevaux

   

Château de Volonne

 

Datant du début du XVIIe siècle, ce château-bastide a été construit par Melchior de Valavoir, ancien seigneur de Volonne, à l’occasion de son mariage avec Julie de Rousset. En 1609, l’escalier d’honneur rampe sur rampe, avec un grand volume puisqu'il occupe environ la moitié de la largeur du bâtiment, est mis en oeuvre. Dans le vestibule, figure un décor de clefs pendantes et chaque volée recevra une décoration remarquable, avec une alternance entre rampants figuratifs et décoratifs, en faisant en sorte pour que les volées les plus originales soient les mieux éclairées. Ce qui frappe dans ce décor c'est l'importance des thèmes amoureux qui rapelle que le château fut bâti lors du mariage de Melchior de Valvoire, et c'est une histoire d'amour qui nous est contée au travers de ces ornementations. 

 Éléments protégés MH: le château, sauf parties classées : inscription par arrêté du 8 septembre 1987. Le grand salon d'honneur et son décor, le vestibule, l'escalier et sa cage avec son décor de gypserie : classement par arrêté du 14 décembre 1992. 

 château de Volonne 04290 Volonne

   

Château de Campagne

 

Construite à la fin du XVIIe siècle, cette vaste bâtisse est constituée d'un corps de logis rectangulaire pris entre deux ailes flanquées de tours rondes. Un vaste jardin à la française sert d'écrin au château dont les tuiles vernissées égaient l'ensemble. Il devint, à la fin du XVIIIe siècle, la propriété des Clérissy, une famille célèbre de faïenciers qui firent leur fortune à Moustiers-Sainte-Marie. Toiture refaite vers 1975. 

 Éléments protégés MH: les deux escaliers ; le salon et son décor au premier étage ; les façades et les toitures de l'ensemble des bâtiments de ferme, y compris les portails ; les murs de clôture ; les sols caladés de la cour de ferme et des abords actuels du château ; le pigeonnier : inscription par arrêté du 24 octobre 1989. Les façades et les toitures du château et des deux tourelles encadrant la cour d'honneur ; le vestibule d'entrée avec son sol de carreaux vernissés de trois couleurs : classement par arrêté du 30 janvier 1992. 

 château de Campagne 04500 Roumoules

   

Château de Castellet-Saint-Cassien

 

La première mention de Saint-Cassien est celle d'une cella (prieuré primitif où résident les moines) dépendant de l'abbaye Saint-Victor de Marseille grâce à une donation de 1043. D'après le cartulaire de Saint-Victor, cette donation comprend un château à Amirat et une église Saint-Cassien, ainsi que les terres en dépendant. Le territoire ainsi donné est décrit par rapport au col Avenos et à la rivière Calvaniam. Baratier en déduit que le lieu d'implantation de la cella, ne se trouve pas nécessairement à l'emplacement actuel du hameau de Castellet-Saint-Cassien mais entre ce lieu et Amirat. Tout porte à croire que l'église offerte à l'abbaye est déjà à cet emplacement, tant par la description du lieu dans l'acte de donation que par les informations ultérieures données par les pouillés. Ainsi, dans les pouillés du diocèse de Glandèves, cet édifice est mentionné dès 1376 comme ecclesia de Casteleto sancti Cassiani, ou encore, au XVIe siècle, ecclesia Castri Sancti Cassini. Une chapelle, se trouvant à l'emplacement du cimetière actuel, a été détruite avant 1840, elle apparaît sur le cadastre napoléonien. Il pourrait s'agir, sinon de cette ecclesia du XIVe siècle, du moins de ses vestiges, ou de la mémoire de son emplacement. Les Glandevès (ou Glandevez) sont seigneurs de ce fief à partir de 1231 et jusqu'à la Révolution. Dès 1232, on trouve mention du Castelletum Sancti Casiani, à nouveau en 1252 du castrum de sancti Cassiani ou castrum de Castelleto, à nouveau en 1419. Sur la carte de Cassini, vers le milieu du XVIIIe siècle, il est nommé le Castellet de Glandeve. Le château actuel est probablement construit dans la première moitié du XVIIe siècle (une cheminée porte la date de 1659) à l'emplacement du château médiéval, le seigneur en est alors Honoré de Glandevès (né en 1539, marié en 1584) ou plus probablement son fils Horace (qui se marie en 1612 et teste en 1644). Cette même inscription sur la cheminée contient trois initiales H.D.G. qui pourraient être celles du commanditaire. Il est sans doute dès l'origine conçu comme une bastide fortifiée avec un corps rectangulaire flanqué de deux tours circulaires au sud, forme architecturale fréquente dans les Alpes-de-Haute-Provence à cette période. L'inventaire réalisé en 1792 au moment de la vente du château comme "bien de l'émigré Glandèves", donne une description détaillée de la disposition intérieure du bâtiment ainsi que de son ameublement. Le rez-de-chaussée semble dévolu à la domesticité et au travail, le vestibule, orné "d'une fontaine avec un grand bassin le tout en airain", ouvre sur un "salon tapissé en cuir doré" avec décor coloré, visiblement meublé comme un bureau, sans doute la pièce au sud (non divisée à l'époque). Ce salon est attenant à "l'office" (sorte de cellier au vu de son contenu), la plus petite pièce à l'est (qui ne communique pas avec le vestibule). Enfin du cellier, il est possible de passer à la "cuisine", au nord. Aucune description n'est spécifiquement donnée des pièces à l'intérieur des tours. Au premier étage, l'étage noble, la "grande salle tapissée en cuir doré" est meublée de meubles de repos mais aussi de tables de jeu; la cheminée est munie de "deux gros chainets en pesant environ cinq livres". Il s'agit sans doute, si l'on tient compte du sens de visite lors de l'établissement de l'inventaire, d'une seule grande pièce au nord. De cette salle, on pouvait accéder à la "chambre rouge tapissée de damas ou étoffe de faye rouge et blanc", meublée comme telle avec notamment "une couchette en noyer à la duchesse". Cette salle est nommée, un peu plus tard dans un récolement précédant la vente, "la chambre rouge". Cette chambre communique également avec "un autre appartement appelé la tour tapissée d'une toile peinte de plusieurs couleurs", une seule grande pièce au sud; il est également mentionné "un autre appartement", communiquant avec le précédent, peut-être la pièce occupant le premier étage de la tour, servant de salle de repos. Au deuxième étage, l'espace est divisé en sept "appartements" ou chambres meublées de lits en baldaquin ou "à tomberau" ou encore munis d'un ciel de lit dont les étoffes et les couleurs sont à chaque fois décrites, le mobilier semble globalement en assez mauvais état. Les tours sont aménagées en "cabinet" ou bureau. Ainsi l'appartement "à la gauche" contient deux lits, l'un à baldaquin, l'autre avec un ciel de lit "garni et entouré d'une étoffe en faye couleur verte fort usée" et le "petit appartement nommé la tour" attenant est sans doute un petit bureau. L'appartement symétrique, celui du sud-ouest, est "tapissée d'une étoffe brochée en laine représentant des paysages", il s'agit également une grande chambre avec son "cabinet attenant". Le château est vendu comme bien national le 2 Frimaire an III (22 novembre 1794), il appartient, avant sa saisie, à Pierre-Raimond de Glandevès. En 1817, au moment de la réalisation du cadastre napoléonien, le château est divisé en deux parcelles. Vers 1840, un appartement du château est loué au sieur Aillaud d'Entrevaux (l'un des copropriétaires du château) par la commune pour loger le desservant de la paroisse et servir donc de presbytère. Il est décrit comme "passable mais très exigu" se composant de "trois pièces strictement dont une sert de salon, de cuisine et de chambre à coucher, l'autre de chambre de la domestique et la troisième, très exiguë sert de cabinet de provisions, il y a de plus une cave". Par la suite, à partir de 1865, le rez-de-chaussée du château est loué par la commune pour servir d'école et de logement de l'instituteur. En 1875 la commune renouvelle le bail pour 9 ans, le bail est régulièrement renouvelé avec les propriétaires successifs et en 1910, l'école est toujours au rez-de-chaussée du château : dans la partie sud, la salle d'école (avec une ouverture à l'ouest et une au sud) et une chambre (ouverture au sud); une autre chambre à l'arrière de la cage d'escalier; la cuisine demeure au même endroit. L'école quitte finalement le château en 1962. Le château de Castellet-Saint-Cassien a été construit au sommet d'un promontoire rocheux. On accède au petit hameau et, en premier lieu au château, par une allée arborée qui ouvre sur la façade nord du château, la façade principale étant à l'ouest, vers la vallée de la Chalvagne. Le château présente un plan massé rectangulaire accoté de deux tours rondes engagées aux angles nord-ouest et sud-ouest, un peu plus basses que le corps de logis principal. Jean-Luc Massot nomme ce type d'édifice "bastide fortifiée" plutôt que château. Le gros-oeuvre est constitué d'un blocage de moellons bruts en calcaire local, lié au mortier de chaux. L'enduit lisse est encore présent sur la façade ouest, il portait un décor de faux-appareil de pierre de taille (restitué sur la façade ouest). Les pavements, lorsqu'ils sont encore en place, sont en terre cuite, tomettes ou mallons carrés. Les toits sont couverts de tuiles creuses avec un toit en pavillon sur le bâtiment central et des toits coniques sur les deux tours, sur deux rangs de génoise. Le château possède cinq niveaux: un étage de soubassement auquel on accède uniquement par la façade est, un rez-de-chaussée surélevé avec accès à l'ouest, deux étages carrés surmontés de combles. L'étage de soubassement ne couvre que les deux-tiers sud de l'emprise au sol du château: il s'agit de deux pièces en contrebas, allongées, parallèles, sans communication et voûtées en berceau. Par la pièce sud, on accède, par une porte avec encadrement façonné de gypse rouge, au sous-sol de la tour sud-ouest, dont la voûte maçonnée d'arêtes quasi plates à six quartiers. Dans le bas du mur, l'accès avec ébrasement en biais, muré, à la bouche à feu occulté par un volet en bois. Le rez-de-chaussée surélevé et le premier étage carré présentent une composition similaire déterminée par deux murs de refend transversaux divisant l'espace oblong en trois. L'escalier intérieur, placé en façade, légèrement décentré, dessert deux grandes pièces, au nord et au sud, la première ouvre ensuite sur une plus petite pièce, à l'arrière de l'escalier, à l'est. Chacune de ces deux pièces offre un accès à une des deux tours. L'escalier est un escalier en vis suspendu, à l'origine avec jour (le limon étant orné), avec donc un limon porteur. L'élévation ordonnancée de la façade principale ouest se structure autour de la porte centrale, seul ornement de la façade avec encadrement harpé de pierre de taille, en une travée de part et d'autre de cette ouverture. Cette dernière est surmontée d'une baie éclairant l'escalier intérieur. Les tours possèdent des canonnières étroites, circulaires ou rectangulaires, en pierre, aujourd'hui murées, disposées non verticalement alignées de manière à couvrir tous les angles de tirs. Elles sont ceintes d'un cordon de pierre à un tiers de leur hauteur. La façade orientale est percée actuellement de trois baies éclairant les petites pièces à l'arrière de l'escalier. On observe également les fragments d'une échauguette à l'angle sud-est ornée d'un décor de gypserie. La façade sud est percée de sept baies non ordonnancées. Les décors intérieurs de gypseries sont riches: ils ornent l'ensemble de la voûte d'escalier et le limon, ainsi que les paliers. On les trouve également à l'étage noble sur les cheminées. Sur les parois de l'escalier accédant aux combles, et sur les enduits de plâtres des murs de ce niveau se trouvent de nombreux graffitis et notamment des croquis incisés ou des dessins au fusain dont certains pourraient dater du XVIIIe siècle et de l'époque révolutionnaire. 

Éléments protégés MH: les façades et les toitures du château, l'escalier, la cage d'escalier, la pièce principale du premier étage et la cheminée, le bassin : inscription par arrêté du 18 décembre 2012. 

 château de Castellet Saint Cassien 04320 Val-de-Chalvagne

   

Château Sainte-Marguerite

 

Ancienne maison-forte mentionnée dès 1289. Une lignée de parlementaires aixois acquiert le château de Sainte Marguerite, l'agrandit et le transforme en manoir Renaissance, reconnaissable aux éléments architecturaux et décoratifs. Le portail d'entrée porte la date 1547. 

 Éléments protégés MH: les bâtiments formant le château, en totalité, et les décors en gypserie à l'intérieur : inscription par arrêté du 20 septembre 2005. 

 château Sainte Marguerite, route de la Bastide des Jourdans, 04860 Pierrevert 

Château de Fontenelle

 

Le château daterait des XVIe et XVIIe siècles bien que sa simplicité et son appareil de galets le rendent difficile à dater. Sa structure témoigne de survivances anciennes : il est flanqué à ses quatre angles de tours rondes avec toit en éteignoir, chaque niveau comprend deux salles avec plafond à la française, il possède des caves profondes puissamment voûtées, garnies de foudres d'un gabarit impressionnant, témoins d'une importante viticulture. Siège de l'ancienne seigneurie de Mirabeau, il a appartenu successivement à de grandes familles de Provence : les Castellane avant 1309, les Barras de 1309 à 1753, les Glandeves de 1753 à 1716 et Deidier de Curiol de 1716 à 1792. Le château de Fontenelle devenu bien national durant la Révolution, en raison de l'émigration de Jean Joseph Deidier de Curiol en 1792, fut vendu aux enchères publiques à un dénommé Gorde, le 6 Ventôse de l'an III (24 Février 1795). 

 Éléments protégés MH: les façades et les toitures du château de Fontenelle : inscription par arrêté du 28 avril 1980. 

 château de Fontenelle 04510 Mirabeau

   

Château de la Palud-sur-Verdon

 

Dès la fin du XIVe siècle ou au début du XVe siècle, un château ou une fortification paraît avoir été édifié à l'emplacement du château actuel, à l'extrémité ouest du village qui s'était développé à partir de l'église et d'une possible grange forte ecclésiale depuis quelques décennies. Cette première construction correspond à la partie orientale de l'édifice actuel. Le relevé du plan et des épaisseurs de maçonnerie du rez-de-chaussée montre clairement un ensemble aux murs plus épais, qui correspond à la totalité du mur oriental, et à la pièce voûtée. Ce premier château devient la propriété de la famille de Demandolx au début du XVIe siècle, plus particulièrement de la troisième branche de cette famille dont le premier membre Jehan 1er naît vers 1463. Il épouse en 1492 Honorade de Gérente qui, en 1504, hérite de son père la seigneurie de La Palud et de Meyreste (hommage rendu en 1505); cette branche de la famille prend alors le nom de Demandolx-La Palu. Le manuscrit narrant l'histoire de la famille de Demandolx, rédigé en 1877 par Henri de Demandolx, mentionne ce château dès le début du XVIe siècle. En 1519 en effet, le contrat de mariage entre Antoine de Demandolx et Marie de Castellane, précise qu'en cas de décès de l'époux, sa femme doit recevoir, entre autre, "deux chambres à son choix dans le château de La Palu, garnies de deux lits avec tous les meubles convenables et les ustensiles nécessaires à son usage, ainsi qu'une servante". En 1524, Marie de Castellane fait son testament "à la Palu dans le château fort (in domio fortalion)". Une première extension du château a lieu à la fin du troisième quart du XVIe siècle, puisqu'en 1572, le testament d'Antoine de Demandolx est "fait et publié au lieu de la Palu et dans la salle neuve". Il teste alors en faveur de son épouse, à laquelle il laisse la "cosine vieille et tout son court de haut en bas et de bas en haut existant dans son château de la Palu où elle pourra rester sa vie durant garni de lits, tables, meubles, ustensiles et linges, le service de la cave, pour enfermer son vin et le jardin sous les fenêtres de la salle du château de la Palu ainsi qu'un cheval choisi dans l'écurie". Cette nouvelle construction été accolée à l'angle nord-ouest du bâtiment initial, dont la maçonnerie a été manifestement démontée. Elle comprend, au rez-de-chaussée, deux pièces et elle est limitée à l'ouest par le harpage vertical visible dans la maçonnerie de l'élévation nord. La tour nord-est a également été ajoutée à cette époque, ainsi que la tour sud-est vraisemblablement. A cette occasion, les angles de la construction médiévale ont été percés pour aménager des portes de communication avec ces tours. Le traitement et la finition des encadrements chanfreinés conservés au premier niveau de l'élévation nord et sur la tour nord-est correspondent bien à une construction de la fin du XVIe siècle. Sur l'élévation orientale, les deux grandes fenêtres de la travée nord pourraient être d'anciennes baies à croisée, remaniées au XVIIIe siècle. Plus tard, en 1611, le testament de Jean de Demandolx, "fait et publié dans une des chambres de la maison seigneuriale de la Palu", mentionne "la grande chambre de dessus la salle du jardin et de deux autres chambres qui sont au-dessus, les dites chambres seront ornées, le pigeonnier, l'étable et feniaire, appelée l'étable des mulets, les jardin et prés qui sont en dessous de la dite grande chambre". En 1635, le testament d'Elzéar de Demandolx donne à sa femme "pour son habitation, toute sa chambre et cabinet du dessus, la cuisine du château de la Palu, et la chambre dessus la salle avec la garde robe. Outre cela il lui lègue en usufruit la garenne et le jardin dessous les dites chambres". Il est aussi fait mention d'un "verger" et "d'écuries". En outre, "elle pourra se servir à sa guise du four du château pour faire cuire et elle jouira du pigeonnier de la tour". Ainsi en 1572, il y a cuisine et celliers (qui datent de la construction primitive), une cave, une écurie et une "salle neuve" au château de La Palud (avec cette graphie ainsi mentionné dès 1570), qui donne sur les jardins. En 1611/1635, une grande chambre au-dessus de la salle du jardin et encore un niveau de chambres au-dessus. Le château possède aussi des dépendances: outre les jardins, pigeonnier, étable et fenil, verger, écurie et four. Le manuscrit de Henri de Demandolx trace un bref historique du château de La Palud et date les travaux du XVIIIe siècle: "Le château qui subsiste encore fut construit sur l'emplacement d'un premier château qui datait d'une époque fort reculée et devait avoir été fort considérable. Les premiers travaux faits au château de La Palu, furent commencé vers 1744". En 1746, il abrite une partie des troupes françaises lors de la guerre contre les Piémontais et les Autrichiens: "on fit établir dans le château et dans les dépendances, de vastes magasins de vivres et de fourrages destinés, qui restaient sous la garde des détachements français qui se succédaient". Cependant, l'aspect actuel du château ne paraît pas antérieur au milieu de la seconde moitié du XVIIIe siècle. La superficie bâtie est alors doublée, par un agrandissement vers l'ouest et le sud. Les façades méridionales et occidentales, sont érigées et ordonnancées, ainsi que les tours sud-ouest et nord-ouest. Les constructions antérieures sont préservées et englobées, et seul l'angle sud-ouest du bâtiment originel paraît avoir été détruit lors de cette importante reprise. La salle voûtée de l'époque médiévale a été conservée, ainsi que les niveaux de plancher de l'aile nord d'époque moderne, dont le décalage avec la partie du XVIIIe siècle est mis en évidence par la coupe nord-sud du bâtiment. Si les percements de l'élévation nord n'ont pas été remaniés, en revanche, l'élévation orientale a été entièrement repercée. En outre, les anciens bâtiments ont été surélevés du niveau de comble; les traces de collage de maçonnerie sont bien visibles sur les élévations nord et est. Le château semble achevé, dans sa forme actuelle en 1780: la Carte des Frontières est de la France, de Colmars à Marseille, dressée dans les années 1780, figure bien le château. De plan rectangulaire, il est dessiné avec ses quatre tours d'angle. Cependant, au moment où éclate la Révolution, les travaux de finitions intérieures ne sont pas terminés: les carreaux de terre cuite destinés au sol ne sont pas posés et plusieurs fenêtres attendent leurs menuiseries. Il en est de même des embellissements extérieurs: la terrasse ne possèdera jamais de garde-corps, les jardins ne seront jamais vraiment dessinés. La description du château établie en 1790 suite à la saisie révolutionnaire en donne un état assez précis: "château au village, terrasse, cour, maison, bergerie, cour de la fontaine, cloique, jardin, colombier, pré appelé pré du Rentier, pré sous le jardin et terre, contenant savoir le château cent vingt cannes à vingt sols la canne; cour, cinquante huit cannes à vingt sols la canne; maison, quatre cannes déduction faite de trois cannes et demi à vingt sols la canne encadastrées; bergerie trente huit cannes à vingt sols la canne; petite cour au levant du château". Ainsi le château est précédé, à l'ouest, par une cour ornée d'une fontaine. Cette cour pouvait être fermée (traces d'arrachement du mur sur la tour nord-ouest), au nord, d'un mur porche tandis qu'un passage piétonnier à l'angle sud-ouest de cette cour permettait l'accès au jardin et vergers. Il y a également une petite cour, de service sans doute cette fois, à l'est du château. L'estimation totale de la propriété au moment des ventes révolutionnaires reste assez faible: "six cent seize mille six cent seize livres dix huit sols (1616 livres 18 sols". Ce montant ne représente que 4 % de l'ensemble des biens et privilèges estimés, et il correspond à seulement la moitié de celui estimé pour la ferme de Ricard. Le château, confisqué à la Révolution, est loti puis vendu aux habitants de La Palud. Sur le cadastre de 1835, l'ancien château seigneurial est partagé entre 18 propriétaires. La terrasse et les anciens jardins du château ont également été divisés. Chaque arcade sous la terrasse est mentionnée comme "bâtiment terrasse". A noter qu'à la suite de la vente, est créé un atelier de poterie, activité pour laquelle le village de La Palud est un centre important. Dans les états de section du cadastre napoléonien est mentionné un "bâtiment four à poterie", il appartient à Joseph Peisselon, "potier père" . Il est construit à l'angle sud-est du château, sans doute en lien avec un atelier dans le château et avec la grande cheminée que l'on voit sur les cartes postales du début du siècle mais aussi avec les bassins attenants aujourd'hui envahis par la végétation. Dans les années 1900, la poterie Peisselon est toujours en activité au rez-de-chaussée du château, le dernier potier de la famille Peisselon meurt en 1927. Une autre modification qui date sans doute de cette période: l'escalier construit à l'extrémité sud de la façade ouest. Il permet un accès direct au jardin sous la terrasse et a été conçu avec des pierres de remploi. Son érection a nécessité la destruction de l'extrémité de l'escalier desservant un côté de la terrasse sud. En 1877, l'auteur du manuscrit sur l'histoire de la famille de Demandolx décrit le château comme en très mauvais état: habité par "les plus pauvres du village", il est "dans un état de complet délabrement, les toitures ne tiennent plus, nombre de fenêtres ont été bouchées, les escaliers s'écroulent et bientôt il ne restera plus que les murs". Si l'état général laisse à désirer avant le rachat par la commune, il faut noter que, jusqu'à aujourd'hui, l'extérieur du bâtiment n'a pas subi de mutilations ou de transformations majeurs susceptibles d'avoir dénaturé l'état de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Le château reste habité, au moins pour partie, jusqu'en 1984, date à laquelle il est racheté par la commune de La Palud. A partir de cette date, de nombreux et importants travaux de reprise et de réfection sont réalisés: charpente et toiture en 1984-1985, élévations et enduits dans la première moitié des années 1990, aménagements intérieurs jusqu'au début des années 2010. Pôle administratif et culturel, le bâtiment accueille aujourd'hui la mairie, l'Office du Tourisme, le musée de la Maison des Gorges et la bibliothèque; une salle d'escalade et une salle multisports ont été aménagées dans une partie de l'étage de comble, des salles de réunion et d'exposition occupent une partie du rez-de-chaussée. Le château se situe à l'extrémité sud-ouest du village, avec donc au nord et à l'est, l'habitat serré du noyau ancien du village de La Palud. Dominant la dépression des Ferralhs et les marais des Prés, la terrasse méridionale permet ainsi une vue panoramique tandis que le château est visible de très loin depuis le sud, dominant la masse du village. Le bâtiment est construit en moellons de calcaire liés au mortier de chaux avec parfois des morceaux de tuiles utilisés en calage. Les façades sud et ouest sont couvertes d'un enduit lisse à la chaux ocré, contrairement aux façades nord et est dont les pierres sont laissées apparentes ou à pierres vues. Les encadrements et appuis de fenêtre moulurés sont en pierre de taille calcaire, appareillées à joints vifs, pour les façades ouest et sud. La pierre de taille est également employée, en parement cette fois, pour le soubassement de la façade ouest et pour le mur de soutènement de la terrasse sud. L'ensemble est couvert de tuiles creuses. Cependant, les tours ont pu à l'origine être couvertes, au moins partiellement, de tuiles vernissées. En effet, quelques vestiges de tuiles vernissées ont été vus dans les combles des tours en 1986 peu après la réfection totale de la charpente et de la couverture. De plan rectangulaire irrégulier, presque carré, le château est cantonné de quatre tours d'angle circulaire de dimensions assez modestes. La porte d'accès au château se trouve à l'ouest, sur ce qui devait être la cour de réception du château. La façade sud, avec la grande terrasse sur voûtes ouvrant sur la campagne, est la façade d'agrément mais aussi la façade principale : c'est le seul côté pour lequel les ouvertures des deux tours s'alignent avec celles de la façade. L'accès au château se fait par la porte occidentale, elle ouvre sur un hall d'entrée assez vaste d'où part l'escalier tournant à gauche à retour avec jour, dont les trois marches d'appel sont en pierre de taille. Les murs de refend déterminent un découpage spatial similaire à chaque niveau: la montée d'escalier débouche sur un palier vestibule aussi vaste que le hall du rez-de-chaussée, ensuite les pièces se répartissent en U autour de la cage d'escalier, parfois se commandant les unes les autres. Cet état, correspondant sans doute à la disposition initiale, est parfois subdivisé par des cloisons simples. Au rez-de-chaussée de la partie orientale, la pièce centrale est couverte par une voûte en berceau irrégulier, dont l'extrémité ouest est renforcée par une arcade en plein-cintre, en pierre de taille. La petite pièce installée dans la tour sud-est est couverte par une voûte d'arêtes. Ailleurs et aux autres niveaux, les pièces sont couvertes par des planchers sur poutres ou sur solives. Certaines baies du mur sud possèdent une embrasure en pierre de taille, pour les autres, les embrasures sont en simple maçonnerie. Aux étages, presque chaque pièce possède une cheminée, qui est parfois flanquée de placards sur tasseaux en plâtre. Au premier étage, le mur occidental de la pièce nord-est reçoit une cheminée avec un décor simple en gypserie.

Éléments protégés MH: le château en totalité : inscription par arrêté du 13 septembre 1988. 

 château de La Palud sur Verdon 04120 La Palud-sur-Verdon