Château de Chazotte
A
l’est du village d’Arlebosc, le château de Chazotte dresse sa masse
sombre au milieu de bosquets. Au-delà la pente se précipite, couverte de
bois, jusqu’au ruisseau de Rossignol qui coule au fond de la vallée, au
levant, tandis qu’au midi, ses jardins en terrasses précèdent un
vignoble qui, d'étage en étage, descend vers la plaine étroite au bout
de laquelle coule le Doulx. Vu du bord de cette rivière, Chazotte a
assez fière mine avec ses quatre culs-de-lampe qui à vingt mètres du sol
dressent leurs girouettes aux angles de sa toiture, et la haute tour
que de nos jours on a ajoutée sur sa façade ouest. La cour d’entrée qui
se trouve à l'est la sépare du bâtiment des écuries, se termine au midi
par un mur de terrasse assez élevé, d’où vient qu’il suffit de gravir un
perron de quelques marches pour atteindre l’entrée d’un large promenoir
voûté, qui, avec l’escalier à double rampe qui le termine, traverse
tout le bâtiment, et donne accès à différentes salles, distribution qui
se reproduit aux deux autres étages qui sont au-dessus, ainsi qu’aux
vastes caves qui se trouvent au-dessous. Le portail d’entrée de cette
cour, percé dans un mur qui reliait au château le bâtiment des écuries,
est surmonté d’un pavillon ou tour carrée où logeait le portier, d’où
l’on peut voir encore la petite fenêtre grillée par laquelle il pouvait
reconnaître l’arrivant, et le mâchicoulis par lequel il pouvait
l’accabler, s’il essayait de forcer la porte, qui du reste était assez
robuste pour résister à un premier effort; sans compter que de la tour
élevée, à l’angle des écuries et des tourelles, les arquebuses avaient
libre feu contre lui. On le voit, cette demeure avait été mise par son
constructeur à l’abri d’un coup de main, et l’on reconnaît à ce soin,
que la construction du château de Chazotte avait lieu à une époque de
guerres intestines et de grande insécurité.
C’est en effet vers 1610 qu’il faut en fixer le début, car il était
habité en 1614, bien que la construction n’en fut pas achevée. Ce n’est
qu’en l’année 1624 que fut terminée la toiture, et les soulèvements des
huguenots, et les campagnes de la Ligue où le capitaine de Bonnaud avait
certainement pris part, étaient encore assez peu oubliées pour que
malgré la paix dont on jouissait alors, on redoutât le retour de
troubles nouveaux, comme de fait il arriva en 1629. Il y avait
certainement eu auparavant à Chazotte un manoir quelconque, mais nous
n’en avons aucune connaissance et supposons qu’il disparut complètement
pour faire place au château actuel. Nous voulons signaler dans celui-ci
deux détails. L’extrémité du corridor du deuxième étage se terminait par
une chapelle que l’on reconnaît aux moulures saillantes de ses
arcatures et à des fresques religieuses un peu détériorées, laquelle
était séparée par une grille en bois du reste du corridor, et
s’éclairait sur la cour par une petite fenêtre à plein ceintre dont le
vitrail représentait une descente de croix, avec au bas les armes des
Chazotte-Lagruterie. De nos jours cette fenêtre a été remplacée par une
pareille aux autres fenêtres du château, et le vitrail placé dans une
chapelle de l’église paroissiale. Elles sont peintes également sur le
sommet de l’arcature de la grande cheminée ou chalfague de la salle à
manger du château, mais cachées par les boiseries de cette salle qui a
fait disparaître cette chalfague au XVIIIe siècle. Notons aussi que les
fenêtres du château étaient autrefois des croisés à meneaux; mais on a
supprimé ceux-ci pour donner aux appartements un peu plus de lumière.
Les armoiries de la famille de Chazotte, telles que nous les
représentent ces peintures étaient: d’or à la bande, partie d’azur et de
gueules; au chef d’azur chargé de 3 étoiles d’or.
Le manoir de Chazotte donna son nom à une famille qui sans doute y eut
son berceau et sa résidence, mais qui plus tard transporta ses pénates
aux fiefs de la Gruterie dans la paroisse de Mascheville, au château de
Pleynet, en la paroisse de Saint-Félicien, au fief du Besset, en la même
paroisse, et à celui de la Suchère, paroisse du Chambon en Velay,
s’étant divisée en plusieurs branches, mais qui toutes s’éteignirent du
milieu du XVe au milieu du XVIe siècle. Le premier gentilhomme du nom de
Chazotte qui nous soit connu est noble Jean de Chazotte, qui figure en
1393 parmi les témoins du mariage de François de Fay-Peyraud avec Alice
de Solignac et que nous croyons être le même personnage que ce Jean de
la Gruterie, mort avant 1400: sauf que celui-ci n’eût épousé la sœur de
Jean de Chazotte. Nous voyons en effet autre Jean de la Gruterie, son
fils, se dire en 1400 sous la tutelle de Messire Aymard de Chazotte,
prieur d’Espinal. Le fils de ce Jean II de la Gruterie, Guillaume de
Chazotte de la Gruterie, épousa Aloïs de Saulsac et en eut: Anne ou
Agnès de Chazotte, qui épousa, le 28 mars 1448, Bertrand ou Briand de
Montjeu de Chassagnes, bailly de la seigneurie de la Mastre, et en eut
de nombreux enfants, entre lesquels: Guillaume de Chassagnes, à qui par
testament du 7 septembre 1474 son aïeul maternel laissa les fiefs et
seigneuries de la Gruterie, paroisse de Mascheville; et des Ollières, au
pays de Velay, à charge de prendre le nom et les armes de sa mère.
Pierre de Chassagnes qu’il substitua au nom et armes de Chazotte et à
qui il légua le fief de la Suchères, en la paroisse du Chambon, en
Velay, celui de Pleynet, en la paroisse de Saint-Félicien, et aussi la
terre de Chazotte, en la paroisse d'Arlebosc.
Ce Pierre de Chazotte, seigneur de Pleyné et de la Suchère, épousa, vers
1480 ou 1490, Catherine Gros, dont la famille habitait le manoir de
Malgarayt, à la paroisse d’Arlebosc; et en eut entre autres enfants:
Messire Guillaume de la Gruterie, seigneur de Pleyné, qui épousa, le 31
janvier 1535, au comput, Moderne-Françoise Tivoley de Brénieu, de la
paroisse de Saint-Romain-d'Ay. Leur fils aîné, André, hérita du château
de Pleyné, où il habita. Le cadet, Philibert de Pleyné de Chazotte,
reçut pour apanages le fief de la Sucheyre et les manoir et terre de
Chazotte, laquelle comprenait les domaines des Morfin, des Estroit, des
Cortes et du Chapiton qui l’entouraient comme nous l’apprenons du
compois de la paroisse d’Arlebosc de 1596. Il habita ce manoir de
Chazotte, où il mourut en 1623, et dont il entreprit la reconstruction
qui ne fut terminée que par sa fille. Il avait épousé, le 21 avril 1584,
demoiselle Magdeleine de Valard, dont il eut seulement trois filles:
Anne, mariée, le 16 octobre 1610, à noble Pierre de Souverain de
Treslamond; Diane, mariée, le 1er février 1615, à noble Jean de Monteil
de la Fontet; Catherine, qui hérita de tous les biens de sa maison, et
épousa, le 16 octobre 1611, noble Balthazard de Bonnaud, capitaine au
régiment de Champagne-Infanterie, qui, à la suite de ce mariage, vint se
fixer au château de Chazotte, où il mourut en 1625 (Bonnaud: d’azur à
l’aigle d’argent, à 3 étoiles d’or rangées en chef). Leur fils,
Pierre-Louis de Bonnaud, capitaine au régiment de Languedoc, hérita de
la terre de Chazotte ainsi que du domaine de Malgarayt que son père
avait acquis, le 11 juin 1624, de la famille de Burine, et des petits
domaines de Jean Gros, en la paroisse de Bozas, son annexe, ainsi que de
la seigneurie des hameaux de Fauries et de Monteil, en la paroisse
d’Arlebosc, que le même Balthazard de Bonnaud avait autrefois acquis du
seigneur de Bosas. Lui-même y ajouta vers 1659 le domaine de la Combe de
Malgarayt, qu’il acheta de la famille de Clavierre.
Pierre-Louis de Bonnaud mourut le 27 avril 1686, et n’ayant pas d’enfant
de Jeanne de Romanet qu’il avait épousée le 11 août 1653, il l’institua
elle-même son héritière par testament du 14 février 1686, et celle-ci,
le 9 février 1696, transmettait toute cette fortune à M. Jean de Monteil
de la Fond, seigneur de Saint-Quentin, fils de sa sœur Françoise de
Romanet et de Balthazard de Monteils de la Font, fils lui-même de Jean
de Monteils de la Font et de Diane de Pleyné-Chazotte. Madame de Bonnaud
mourut le 4 août 1698; mais déjà son héritier, M. Jean de
Monteils-Saint-Quentin, avait abandonné la résidence de sa famille au
village de Boucieu (de Monteils: d'azur au griffon d'argent armé, onglé,
becqué et tangué de gueules). Jean de Monteils de la Font, seigneur de
Saint-Quentin et de Bavas, du chef de sa femme, Marie de Chambaud, qu’il
avait épousée le 8 décembre 1669, et colonel d’un régiment
d’infanterie, prit donc possession du château et terres de Chazotte en
1696; il y mourut en 1711. L’aîné de leurs fils, Pierre-Louis, seigneur
de Saint-Quentin, Bavas et autres terres au Bas Vivarais, du chef de sa
mère, hérita de son père des châteaux et terres de Chazotte et autres
biens de la famille de Bonnaud, et fut, comme son père, colonel d’un
régiment d’infanterie. Il épousa, le 28 février 1696, demoiselle
Antoinette de Mathias, de laquelle il eut de nombreux enfants, entre
lesquels: Messire Balthazard Aymard de Monteils; Messire de Durfort,
seigneur de Saint-Quentin, Bavas, etc.., seigneur aussi de Faurie et
Monteils, et possesseur du château et terre de Chazotte, et colonel
d’infanterie. Il épousa, par contrat du 4 novembre 1715, Marie-Françoise
Faure de la Farge, laquelle lui apporta en dot la terre et seigneurie
du Pouzin, en Bas Vivarais, par ce même contrat, son père lui faisait
donation de tous ses biens. Elle hérita de la baronnie du Lac et de
Ville-False, dans le pays de Narbonnais, patrimoine de Jacques des
Riens, qui avait épousé sa tante, Marie Faure de la Farge; et cette
dernière acquisition détermina Pierre-Louis et Balthazar d'Aymard de
Monteils à aliéner leurs terres du Vivarais et à se transporter dans le
Bas Languedoc.
Dès le 26 avril 1714, ils vendirent à M. Jean Blachier du Rouchet la
propriété de Malgarayt avec les domaines de la Combe et de Jean Gros qui
en dépendaient, ayant alors l’intention seulement de se fixer dans le
Bas Vivarais. Mais ensuite, par acte du 21 mai 1728, ils lui vendirent
également leur château et terres de Chazotte, et tout ce qu’ils avaient
en la paroisse d'Arlebosc; à la réserve toutefois de leur seigneurie de
Fauries et Monteils, qu’ils vendirent à M. Philibert Blachier de la
Chau, du lieu des Romaneaux (Blachier de Chazotte: d’azur à la croix
d’or bordée de sable, cantonnée de 1 étoiles d’argent). M. Jean Blachier
du Rouchet, d’une ancienne famille du pays, devint donc, par l’achat
qu’il fit en 1728 à MMe de Monteils-Saint-Quentin, possesseur du château
et de la terre de Chazotte, où il fixa aussitôt sa résidence, et où il
mourut le 23 juillet 1764. De Mlle Suzanne de Monteils, qu’il avait
épousée le 21 juin 1719, il laissait 9 enfants, l’aîné desquels il
institua son héritier, par testament du 29 avril 1754, fut plus connu
sous le nom de Chazotte. Jean du Rouchet de Chazotte fut conseiller au
parlement des Dombes séant à Trévoux, office dont il fut pourvu par
lettre royale du 3 septembre 1767, habita comme son père le château de
Chazotte où il fit de sérieuses réparations et aménagements intérieurs.
Il mourut le 16 décembre 1786 au château de Chazotte, après avoir,
suivant l’usage du temps, disposé de tous ses biens en faveur de son
frère, Clément du Rouchet de Saint-Just, prêtre et curé d'Arlebosc, par
testament du 26 octobre de la même année, en le chargeant de choisir
lui-même celui de ses fils auquel il conviendrait de confier la charge
de continuer la maison. Jean de Chazotte laissait en effet 3 fils, de
son mariage avec Mademoisele Magdeleine-Henriette de Carrière, d’une
ancienne famille qui avait fourni plusieurs capitouls à la ville de
Toulouse, et dont le père, ancien capitaine au régiment d’angoumois
infanterie, et chevalier de Saint-Louis, s’était fixé à Arlebosc et y
avait épousé Mademoiselle Magdeleine Clavel de Veyrans, et qu’il avait
perdue le 9 août 1772.
L’aîné de ses fils ayant renoncé à s’établir, l’abbé Saint-Just voulut
remettre la fortune dont il avait le dépôt au second, Alexandre de
Chazotte, garde du corps du comte de Provence, à l’occasion de son
mariage, le 15 mars 1792; mais les trois frères, après quelques années
d’indivision, se la partagèrent amiablement à parts égales, ainsi que la
fortune de leur mère; après défalcation des légitimes de leurs oncles
dont cette fortune était encore grevée. Dans ce partage qui est du 31
janvier 1795, le château de Chazotte avec une partie des domaines qui en
dépendaient forma la part d’Athanase de Chazotte-Carrière, le plus
jeune des trois, lors âgé de 27 ans, et deux ans plus tard, le 20
septembre 1797, il épousa Mlle Françoise-Thérèse de Clavières, lors âgée
de 18 ans, fille du feu comte de Clavières-Saint-Romain, et de Dlle
Suzanne de Raymond de Suzeulx, laquelle lui apporta en dot les domaines
de Beauchamp, du Colonier et de Charencey, en la paroisse de
Saint-Félicien; et dans celle de Champi, celui de Margier, et de
nombreuses rentes foncières provenant de la maison de Robiac. Mais
Madame de Carrière mourut le 23 janvier 1812, et son mari le 5 du mois
suivant, après avoir, par testament du 3 du même mois, confié à son
frère Alexandre la tutelle de ses deux enfants: Françoise de
Chazotte-Carrière, qui en 1822 épouse le vicomte Maurice de Montravel;
et Louis-René de Chazotte-Carrière, né le 10 octobre 1802, à qui
revenait les 2/3 des biens de son père et 13/24 de ceux de sa mère, eut à
sa part, par partage du 13 novembre 1823, (nous devons noter que
Athanase de Carrière avait avant sa mort hérité de son frère aîné, par
testament du 17 mai 1804), eut à sa part le château de Chazotte avec
toutes ses dépendances et tous autres biens, fonds sis en la paroisse
d’Arlebosc, plus ceux de Beauchamp et du Colonnier, qu’il aliéna pour
acquérir le domaine de Moulin du Chapilou et celui du Chapitou, détachés
jadis de la propriété de Chazotte par Madame de Saint-Quentin.
Il avait épousé, le 23 septembre 1834, Madamoiselle Alix Plantin de
Villeperdrix, lors âgée de 20 ans, fille de M. Augustin Plantin de
Villeperdrix et Louise-Marie-Eléonore de Suffren-Saint-Tropez. Elle
mourut à la naissance de son troisième enfant, le 16 février 1838.
Monsieur Louis de Chazotte-Carrière murut en son château de Chazotte le
27 septembre 1875, à 73 ans. Il avait de son vivant disposé de sa
propriété et château de Chazotte, en faveur de son fils cadet,
Ferdinand. L’aîné, Albéric de Chazotte, reçut en apanage la terre de
Suzeulx et le domaine du grand Prat, provenant de sa mère. Il y est mort
en 1875, laissant plusieurs enfants. M. Jean-Louis-Ferdinand-Oswald de
Chazotte, né comme nous l’avons dit en 1838, fut un des premiers
gentilshommes de France qui accoururent à l’appel du général de
Lamoricière, se rangea autour du trône du Saint-Père; enrôlé d’abord
dans les corps des croisés de Cathelineau, avec son cousin Félix de
Montravel, qui depuis fut tué à Castelfidardo, ils furent versés l’un et
l’autre dans le bataillon des Franco-Belges du capitaine de Bec de
Lièvre, et à la bataille de Castelfidardo, le 18 septembre 1860, il fut
de cette petite phalange de héros qui, après avoir enlevé la ferme des
Crocettes, la défendirent contre les Piémontais d’une façon si brillante
et ne cédèrent qu’à l’incendie. Sitôt rapatrié, apprenant que l’armée
pontificale se réorganisait, Ferdinand de Chazotte courut reprendre sa
place dans le bataillon qui, le 1er janvier 1861, prit le titre de
zouaves pontificaux, et il y resta avec le grade de sergent jusqu’à
l’année 1866. Le 30 janvier 1867, il épousait à Lyon Annabelle de
Longchamp, la plus jeune des filles de M. Léonard Deroch de Longchamp,
conseiller à la cour royale de Lyon, et de Célémie Bédos. A l’occasion
de ce mariage, son père lui avait donné le château et propriété de
Chazotte; et déjà sa grand’tante, la comtesse de Dienne, veuve en 1res
noces et héritière du comte Louis-René de Clavière, marié le 25 juin
1866, l’avait institué son héritier principal, à charge de prendre et
joindre à son nom celui de la famille de Clavière, dont elle lui
remettait les biens qu’elle avait entre les mains, mais avec certaines
charges importantes. C’est depuis que Ferdinand de Chazotte se qualifia
comte de Clavière. Il est mort dans son château de Chazotte, auquel il
avait fait d’importantes réparations, laissant de son mariage 7 enfants:
5 filles et 2 fils. L’aîné de ceux-ci, Ludovic-Marie-René de Chazotte,
comte de Clavière, possédait le château de Chazotte au début du XXe
siècle.
Éléments protégés MH: les façades et les
toitures (à l'exclusion de la tour moderne) du château et de la poterne
d'entrée (y compris les vantaux de la porte) : inscription par arrêté du
2 mars 1981.
château de Chazotte 07410 Arlebosc
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