Châteauvieux, tout au sud du Loir et Cher, est totalement inconnu, et pour cause : ce vaste château transformé en EHPAD est resté maison de retraite médicalisée jusqu'en févier 2025 ! C'est pourtant un site occupé de très longue date, historiquement et paysagèrement intéressant à passer voir.
Ce bel ensemble castral occupe un éperon calcaire façonné par la convergence de plusieurs minuscules ruisseau s'y rejoignant avant d'entailler le coteau qui les mènera au Cher. Il domine un joli paysage resté viticole. Dans la prolongation du logis renaissance, un immense parc paysager occupe le versant Nord du ruisseau de Seigy, petit affluent de la vallée du cher entre Saint-Aignan et Selles-sur-Cher. Blotti sur son flanc sud veille l'aussi belle que simple église Saint-Hilaire, classée depuis 2012 (seulement)
S'il semble être à l'écart de tout axe touristique, Châteauvieux est toutefois situé juste à côté de Saint-Aigan-sur-Cher et à moins de 5 km du zoo de Beauval, internationalement connu et visité, avec ses 45 hectares de superficie et ses près de 2 millions de visiteurs en 2024. Il est également à moins de 20 km du château de Valençay : je ne suis pas donc trop inquiet quant à son avenir et à sa reconversion
CHATEAUVIEUX fut à l’origine une villa gallo-romaine, à savoir un grand ensemble agricole occupé par un chef et sa famille, ses serviteurs appelés serfs vivant dans des grottes creusées dans le rocher ou dans des chaumières à proximité d'un bois ou d'une fontaine. Puis au IIIème siècle, la villa se transforma, lors de l’invasion des Francs, en castrum, mot latin qui signifie villa fortifiée : en effet, les habitants furent obligés à tailler le rocher et à construire une enceinte pour se protéger et rendre la place inaccessible aux agresseurs. Vers la fin du Vème siècle eut lieu l’invasion des Wisigoths. Le castrum, réputé ancien, prit le nom de vetus (en latin : vieux), puis devint Chasteau-Vielz. Mais au IXème siècle, lors de l’invasion normande, l’enceinte fortifiée dut se développer et se transforma en château fort après la construction de nouveaux remparts.
Quelques dates et références :
- 1er Mai 1311 : partage de la terre et des droits de Chasteau-Laudon et de Chasteau-Vielz entre les membres de la famille des Guiter. Chasteau-Vielz échut à Messire Etienne de Chasteau-Chalon (Calonis) vivant chevalier, et réputé à sa mort Seigneur de Chasteau-Vielz.
- 1356 : Chasteau-Vielz fut pris et occupé par les Navarro-Anglais.
- 1362-1363 : la forteresse fut rasée sur les ordres de Pierre de Palluau, seigneur de Montrésor, pour éviter le retour des Anglais dans cette place forte.
Son fils aîné Jehan I de Rouhy se maria à Mademoiselle Marie de Préaux vers l’an 1400. Il en eut deux enfants : Jehan II et Marguerite-Marie.
Jehan II de Rouhy, chevalier seigneur de Menetou, se maria en 1422 avec Phelipa de la Brosse. Il adjoignit ainsi à son patrimoine la terre de la Brosse sous Valençais, et la terre de la Bourre du Clou (Bourdichou), paroisse de Luçay-le-Masle (le Mauvais). Phelipa lui donna trois enfants : Jehan III, Louise qui épousa le Seigneur de Rilly, et Jacques.
Il semble que ce soit Jehan II qui réalisa un projet de chapelle qui, selon la coutume féodale, devait assurer une sorte de "survie" et qui servirait de nécropole à la famille présente à venir. Par la suite, l’église fut reconstruite peu à peu. De la primitive (style Roman, Xième siècle), il ne restait que le pan de mur encadrant le portail d’entrée, et peut-être les fondations. Elle ne fut terminée qu’au début du XVIème siècle.
Le fils cadet de Jean III nommé Jean IV de Rouhy, devint seigneur de Chasteauvieux. Il se distingua en faisant partie des Cent Gentilshommes de la Maison du Roi, sous le règne de Louis XII.
Puis son fils Edme ou Hemoy de Rouhy fut héritier pour moitié avec sa sœur Jeanne. N’ayant pas de descendance, il céda sa part à Jeanne De Rouhy (sa sœur). Par le mariage de celle-ci avec Pierre de Voysines, Chasteauvieux passa à la famille de celui-ci vers l’an 1541. La partie Renaissance du château fut édifiée sous ses ordres, complètement séparée de la gentilhommière érigée au siècle précédent. Le pignon du midi était flanqué d'une tour rectangulaire comme celle que l'on peut voir au château de Saint-Aignan et les fenêtres sont à croisillons avec frontons sculptés.
Jean de Voysines, fils des précédents, épousa en 1558 Renée Du Plessis. Ils n’eurent qu’une fille, Renée, qui épousa Claude De Bonnafau.
Puis le château passa par héritages successifs à :
- Imbert Louis de Bonnafau,
- Charles de Bonnafau, qui fit construire le pavillon vers 1650, bâtiment isolé près de l'église et possédant un sous-sol voûté où l'on suppose qu'à cet endroit se situait le donjon féodal de la forteresse détruite,
- Charles II de Bonnafau, qui épousa Marguerite de Launay, dont le père était Maréchal des Logis de la Reine Mère.
- Charles III de Bonnafau, né en 1669, Lieutenant Porte Etendard dans le régiment des Dragons, tué d'un coup de pistolet le 6 septembre 1694.
Sa sœur Marie épousa en 1715 en secondes noces Pierre de Forges qui, à la mort de sa femme, devint seigneur de Chasteauvieux. Il se remaria en 1730 à l'âge de 50 ans avec Gabrielle de La Marche, 24 ans. Ils eurent six enfants (dont l'un, Guillaume, mourut à 21 ans) et devinrent Marquis et Marquise de Châteaubrun. C'est à cette époque que fut construite la partie qui fait soudure entre le bâtiment Renaissance et la ferme gentilhommière. Au fronton de la façade donnant sur le parc se trouvent deux blasons accolés par le sommet sous une couronne de marquisat (deux familles alliées de Forges et de la Marche). Le bâtiment comprend un salon de réception, une grande salle à manger et un petit salon engagé dans la partie Renaissance.
Une des filles du marquis et de la marquise, Gabrielle également, épousa Louis Le Chandelier, seigneur de Cambre, écuyer et capitaine de cavalerie qui racheta les parts d’héritage des autres frères et sœurs. Devenue veuve en 1787, sans enfants mais tutrice des trois enfants de son frère Pierre II, Gabrielle passa les années de la Révolution dans cette terre de Chasteauvieux. Pendant deux mois de l’année 1793, elle fut emprisonnée comme suspecte puis, relâchée, elle dut solder les journées de garde des gendarmes et du gardien de la prison. Fin novembre 1802, Madame Gabrielle de Cambre fit ouvrir à ses frais la chapelle du château qui était fermée au sud d’un mur assombrissant le chœur de l’église. Elle fit alors reconnaître pour elle et pour ses héritiers à venir un titre de propriété sur la chapelle.
A sa mort survenue en 1821, Madame de Cambre légua par testament le domaine de Chasteauvieux à sa nièce Augustine-Marie Rosalie, femme de Royer-Collard. Monsieur Royer-Collard fut élu académicien en 1827. Cet homme fit de nombreuses rénovations dans le château. Les alcôves, très à la mode par le passé, firent place à des chambres plus claires, plus aérées. Il rassembla une bibliothèque de grand style comprenant de nombreux auteurs de droit, Grecs, Latins, Anglais, Français. Il collectionna les feuillets de « Monsieur Universel » des années 1814 à 1845, qui représentaient le « journal officiel » de la monarchie. C'est dans cette pièce qu'il recevait ses visiteurs et où se trouvent encore son bureau et son fauteuil (Madame Andral y recevrait plus tard les enfants de la commune pour leur remettre un cadeau de Noël). C’est aussi à cette époque que fut construit le porche avec sa lourde porte cochère et la porte latérale réservée aux piétons (vers 1824). En 1829 fut construit vers l’est un pigeonnier pouvant contenir jusqu’à 400 pigeons, ainsi que les murs du jardin remplaçant les haies vives. Un paysagiste vint d’Allemagne ordonner toutes les plantations dans la cour intérieure, le parc et les bois attenants. Royer-Collard mourut en 1845 et fut inhumé dans le petit cimetière paroissial qui côtoie l’église au sud.
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