Château de Boulogne
Boulogne
doit son étymologie à ce qu'un comte de Valentinois, originaire du
Boulonnais, vint se fixer dans ce pays au VIIe ou VIIIe siècle et fut le
fondateur de la grande tour carrée du château construite sur un mamelon
avec un viaduc à deux arches pour y arriver, auquel château il donna le
nom de Boulogne (Bolonia). J’appuie cette assertion sur ce que le nom
de chaque hameau des communes de Saint-Michel, Saint-Etienne de
Boulogne, Vesseaux et autres est venu d’un nom d'homme, c'est-à-dire du
premier habitant qui a élevé sa maison. Aussi, à Saint-Michel, Massiol,
Fougerolles, Echaravil, le Vernet, le Cerisier, Miravile, etc,. sont des
noms connus, quoique la plupart des familles qui les portaient
n'existent plus aujourd’hui. Il en est de même à Saint-Etienne, la
Charre, la Conchy, Auzon, Auriolles, le Pradal, Gousy, les Richards,
etc., et à Vesseaux la Bouisse, Chamoux, le Fex, Chauliac, les
Audiberts, Lauberte, Béradoux, les Saurñiers,. etc., sont aussi des noms
connus, la plupart existant encore au début du XXe siècle; d’où on peut
conclure que Boulogne, nom que n'a porté aucune famille dans nos pays,
est tiré de Boulogne-sur-Mer ou du Boulonnais. La paroisse de Boulogne
comme celle de Saint-Etienre, a fait partie de celle de Vesseaux, qui
était un des plus grands prieurés du diocèse de Viviers. A l'époque de
la création de la paroisse de Saint-Michel au VIIIe siècle, à laquelle
on donna ce nom, on y ajouta celui du château qui était Bou-logne. Il se
peut aussi que lorsque fut élevée cette tour dans ces lieux agrestes,
on pensa d'y créer une paroisse.
Le comte Adhémar de Valentinois qu’on croit descendre d’un frère de
Pépin d’Héristal, nommé Grimaldi, est le fondateur du château de
Boulogne vers le milieu du XIe siècle et en fut le premier seigneur. Sa
fille Philippa de Fay épousa, en 1165, Aimard fils de Guillaume de
Poitiers. Ce fut Raymond V comte de Toulouse, qui donna à ce dernier
l'investiture du château de Boulogne, de Privas, de Saint-Alban, de Baïx
et du Pouzin. Aymard, fils ou petit-fils du précédent, fait en 1239
hommage à Raymond VII comte de Toulouse, de son château de Boulogne et
de plusieurs autres. En 1249, la comtesse de Valentinois contribue par
ses dons à l'élévation de la Chartreuse de Bonnefoy sur les montagnes du
Vivarais, comprises à cette époque dans le comté de Toulouse. Le
fondateur de ce monastère qui dépendait de la Grande-Chartreuse de
Grenoble, est Guillaume du Jourdain, un fils de Raymond V comte de
Toulouse; c'était en 1157. L'église de St-Etienne-de-Boulogne fut aussi
construite vers le milieu du XIIIe siècle par les soins de cette même
comtesse de Valentinois. Avant cette époque, cette paroisse faisait
partie de celle de Vesseaux. Le prieuré de Vesseaux était un des plus
grands du diocèse de Viviers. Avant la création de la paroisse de
Saint-Etienne-de-Boulogne qui fut par conséquent détachée de celle de
Vesseaux, une chapelle dont les fondements ont êté retrouvés il y a
quelques années, avait été élevée entre les deux hameaux du Gousis et la
Lauze, à un kilomètre près de distance du chef-lieu de
Saint-Etienne-de-Boulogne et avait été dédiée, croit-on, à
Saint-Etienne-de-Boulogne, diacre et premier martyr de l'Eglise, d'où
vient le nom de Saint-Etienne donné à la paroisse.
En 1300 ou 1310 Guigon, comte de Valentinois, fils, sans doute,
d'Aymard, troisième ou quatrième du nom, était seigneur de Boulogne. En
1340, Guillaume, son fils, lui succède mais ne laisse pas de postérité. A
sa mort en 1344, le château de Boulogne échoit à son parent Louis de
Poitiers, seigneur de Saint-Vallier. En 1349, Charles de Poitiers, fils
de Louis de Poitiers, est seigneur de Boulogne jusqu'en 1384. On trouve
des reconnaissances ayant été faites à Guigon, comte de Valentinois, et à
son fils Guillaume, par des habitants du mandement de Boulogne. Ces
reconnaissances furent renouvelées par les héritiers de ces dits
habitants en 1373et 1374 en faveur de puissant seigneur Charles de
Poitiers, seigneur de Saint-Vallier et de Boulogne, et furent reçues par
Bertrand, notaire. Du 29 août 1373 on trouve celle de Pierre
Marconnave, de Marconnave, paroisse de Saint-Julien-du-Serre, celle de
Pierre Mappias, paroisse de Vesseaux. Et du 18 juin 1374 nous trouvons
celles de Giraud Chambaud, Jean Teyssier et Vincent Jacob, de la
paroisse de Vesseaux. Nous trouvons également les reconnaissances reçues
par Raffard, notaire, en faveur du même seigneur, de Pierre Lachave, de
Pierre Lablache; de Lachave, paroisse de Saint-Etienne-de-Boulogne, de
Jean Chabert, de Giraud Baudare, de Vitalis Lacour, de la paroisse de
Vesseaux, etc.
Par devant maître Chamoux, notaire, le 13 octobre 1384, noble et
puissant seigneur messire Charles de Poitiers, seigneur de
Saint-Vallier, "vend à noble Raoul de Lestranges ses chastel et
chastellenie de Boulogne desquels appartiennent plusieurs terres, bois,
viviers, épaves, mortes-main, cens, rentes de blé, de vin, de deniers,
de fruits, de paille, de buches de poutailles, d'épices de cire; étangs,
pêcherie, venaison, chasse, garenne, fours, moulins; justice,
juridiction haute, moyenne et basse; hommages nobles, hommages ruraux,
fiefs, arrière fiefs, lods, ventes, sausines, amendes; hommes et femmes
de corps, taillables, exploitables et serviables; et autres ainsi que le
lieu, ville et paroisse de Boulogne; la seigneurie des lieux et
paroisses de Saint-Etienne de Boulogne, de Vesseaux, de Saint-Andéol de
Bourlenc, de Saint-Julien de Serre et de Gourdon, les masures, les
édifices, les profits, émoluments, revenus et tous autres tenus et
mouvant en fief de son prédécesseur noble et puissant seigneur messire
Louis de Poitiers, chevalier seigneur de Saint-Vallier, comte de
Valentinois. Dans la présente vente sont compris tous les droits de
propriété et possession, fonds, seigneurie, foi, hommage, juridiction;
droit de régale et toutes les actions réelles, personnelles, mixtes,
directes, utiles, tacites, expresses hypothèques et autres droits
quelconques que le vendeur ou son prédécesseur pouvait ou peut avoir et
accompte remis, personnes et biens quelconques à cause et pour raison
desdits chastel et chastellenie, etc. Acte passé au Chatelet à Paris,
jour, mois et an que dessus". Dans cette vente il n’y a malheureusement
pas de prix désigné. Il n'y est pas non plus dit où était la résidence
de noble Raoul de Lestranges. Un document le dit originaire de
Saint-Juès en Limoges, et cette terre qui était située dans la paroisse
de Laplaÿ portait le nom de vicomté de Lestranges. Laplaÿ est devenu
chef-lieu de canton, arrondissement de la Corrèze formé d'une partie du
Limousin.
La paroisse de Gourdon que nous avons vue comprise dans la seigneurie de
Boulogne était du mandement de Corbières. Les seigneurs de Corbières
étaient les vassaux de ceux de Boulogne et avaient droit de basse
justice. En 1395, le 16e jour de février, Dupuy, notaire, reçoit en
faveur de noble Raoul qu'on appelait aussi Rodolphe de Lestranges, les
reconnaissances ayant été précédemment faites à Charles de Poitiers, son
prédécesseur. On peut citer de plus la reconnaissance de Guillaume,
Laurent et Pierre Chauliac frères, du lieu de Chauliac, paroisse de
Vesseaux. La plupart des reconnaissances faites en faveur de messires
Charles de Poitiers et de Raoul ou Rodolphe de Lestranges provenaient du
chapitre du Puy. Le chapitre du Puy possédait ou percevait des cens et
des rentes dans le mandement de Boulogne avant noble Charles de
Poitiers, il en percevait aussi dans le mandement de Corbières et dans
celui de Charay. Le monastère de Charay fut fondé sous les auspices du
chapitre du Puy, croit-on, au Xe ou au XIe siècle. Guillaume de
Lestranges fut le fils et successeur de Rodolphe de Lestranges en 1425.
Le 26 mai 1428, devant Raffard, notaire d'Aubenas, il passe une
transaction avec les habitants du mandement de Boulogne (il s’agit des
hommes liges et des hommes taillables) où l'on règle le cas du mariage
des enfants desdits habitants à un pain éminal et une poule; le cas des
couches de la dame du seigneur à un éminal froment et une poule, et le
droit d’hommage à trois journées d'homme pour chacun. Un éminal était
composé d'environ onze francesches et valait deux quarterons de la
mesure de Boulogne. Le sétier était composé de deux émines ou de quatre
quarterons. Mais à la mesure d'Aubenas trois émines ou six quartcrons
formaient le sétier; la mesure de Boulogne était donc d'un tiers moindre
de celle d'Aubenas.
Au château de Corbières les rentes y étaient perçues à la mesure de
Boulogne. Les cas prévus et stipulés dans cette transaction ne
comprenaient pas les cens et les rentes des reconnaissants ou des hommes
liges et taillables, lesquels cens et rentes étaient perçus
régulièrement à différentes époques de l’année. Les reconnaissants ou
hommes liges étaient à cens ou rentes fixes, tandis que les hommes
taillables payaient selon que produisaient leurs terres, ces derniers ne
passaient pas des reconnaissances à leur seigneur et étaient
ordinairement les plus pauvres, c'est-à-dire ceux qui possédaient peu.
Guillaume de Lestranges épousa Jeanne de Joyeuse et en eut Louis, son
fils, qui hérita le château de Boulogne avec plusieurs autres. Louis de
Lestranges eut deux fils, Jean et Antoine. N'ayant trouvé aucune
reconnaissance faite en faveur de messire Louis de Lestranges, Antoine
son fils succéda en 1480 à son grand-père Guillaume de Lestranges. Jean
de Lestranges son frère, forma la famille des seigneurs de Groson, de
Bose et de Colombier, et fut l'ancêtre du fameux abbé Dom Augustin de
Lestranges, le fondateur de la trappe de Val-Sainte. Le 8 mars 1480,
Jacques Raffard, notaire d’Aubenas, reçoit de messire Antoine de
Lestranges les reconnaissances de Jean Terrasse, de Pierre Conquiste, de
la paroisse de Saint-Andéol-de-Bourlenc, de Jean et d'Etienne Gourdon,
de Jean Robert, fils d'Etienne, de la paroisse de Gourdon. Le 13
novembre 1504, Bernardin Sanglier, notaire, reçoit les reconnaissances
en faveur du même seigneur de Boulogne, de Sébastien et d'Antoine
Maurin, d’Etienne Faure, de la paroisse de Saint-Andéol-de-Bourlenc; de
Claude, de Guillaume et de Jean Dauriolles, d’Etienne Dubois, tous
habitants du lieu d’Auriolles, paroisse de St-Etienne-de-Boulogne, etc.
Il est une transaction passée en 1492 entre les habitants de Boulogne et
leur seigneur Antoine de Lestranges, et dont les habitants avaient le
libre usage. Il s’agit de la pêche et de la chasse, mais nous ne
connaissons pas le nom du notaire qui reçut l'acte ni quelles en furent
les conditions.
Antoine de Lestranges convertit en prairies une grande partie des terres
au quartier dit des Chambons, situé sur la rive gauche de la rivière de
Luol dans la vallée de l’Escrinet, et les habitants qui possédaient ces
terres et qui étaient du hameau des Gousis, échangèrent avec leur
seigneur pour d'autres terres situées au quartier du Rouchamp ou
Champs-Roux. Claude de Lestranges, fils d'Antoine de Lestranges, était
seigneur de Boulogne au milieu du XVI siècle. Les nombreuses
reconnaissances que nous avons trouvées de cette époque au temps de ce
seigneur furent reçues par Robert, notaire, et faites en faveur de noble
Gratian des Mottes, écuyer au château de Boulogne sous messire Claude
de Lestranges, seigneur de Boulogne et de Cheylane et conseiller du roi.
En 1562, il alla avec sa troupe assiéger Aubenas dont les protestants
s'étaient emparés, mais il fut obligé de s’en retourner en son château
de Boulogne sans aucun succès. A sa mort, arrivée en 1564, son fils
Louis de Lestranges lui succède. L'année suivante il eut à soutenir un
procès que lui avaient intenté les habitants et manants du mandement de
Boulogne en la cour présidiale de M. le Sénéchal de Beaucaire et de
Nîmes au sujet des cens et des rentes, des cas des couches de la dame du
seigneur et du mariage des enfants des dits habitants, suivant la
transaction qui avait été passée entre messire Guillaume de Lestranges,
seigneur de Boulogne, et leurs prédécesseurs, le 26 mai 1428 et qui
avait été reçue par Jacques Raffard, notaire d’Aubenas. Le seigneur de
Boulogne eut gain de cause; mais appel de ce jugement ayant été fait par
lesdits habitants en la cour souveraine du parlement de Toulouse, le
jigement des premiers juges fut confirmé et l'arrêt rendu par Louis
Chalendar, lieutenant du bailli au siège royal de Villeneuve-de-Berg.
Une nouvelle transaction s'ensuivit et ne fut que la ratification pure
et simple de celle passée en 1428, et fut reçue le 28 avril 1545 par
Dumas et Teyssier, notaires de Villeneuve-de-Berg.
Louis de Lestranges n'eut pas de postérité mâle, et Marie-Anne, sa fille
unique, épousa en 1579 messire René d'Hautefort, seigneur du Teil et
second fils de Gilbert d'Hautefort. René d'Hautefort devenait donc baron
de Boulogne et prit le nom de Lestranges pour avoir droit d'entrée aux
états du Vivarais. Il assaillit en 1619, dans les plaines de Vesseaux,
Châieauvieux qui revenait de Privas à la tête d'une bande de
protestants; il lui en tua un certain nombre et les autres, pour
échapper au massacre, s'enfuirent sur les montagnes. Deux quittances
trouvées dans de vieux papiers de famille ont été écrites et signées par
ce seigneurs; elles furent délivrées pour droits seigneuriaux reçus,
une à Jean Constans le 1er novembre 1605 et l'autre à Claude Doize le 17
mars 1606, tous les deux habitants de Pramaillet, paroisse de
Saint-Etienne-de-Boulogne. A ces quittances est cité Antoine d'Exbryat,
prieur de Boulogne à cette époque, ayant aussi des droits à percevoir à
Pramaillet, et dans toute la paroisse de Saint-Etienne-de-Boulogne. Nous
n'avons pas trouvé de reconnaissances faites en faveur de Louis de
Lestranges et de René d'Hautefort de Lestranges; les seigneurs ses
vassaux les recevaient et en payaient la rente au seigneur de Boulogne
leur suzerain. Claude René d'Hautefort de Lestranges et de Cheylane, à
la mort de son père arrivée en 1621, devint seigneur de Boulogne. Il
avait épousé l’année précédente la veuve Paule de Chambaud quoique
protestante et qui lui apporta en dot la baronnie de Privas. Quand Louis
XIII et Richelieu vinrent assiéger Privas en mai 1629, il aida comme
beaucoup d'autres seigneurs catholiques de la province, l’armée royale à
enlever cette place aux protestants. Mais plus tard s'étant révolté
contre l'autorité royale, il fut livré au supplice à Alais, en 1632, et
son château fut démantelé.
Il ne laissa avec sa veuve Paule de Chambaud, qu’une fille Meyrie, qui
en 1638 épousa Charles de Seneterre marquis de Châteauneuf, et second
fils d'Henri marquis de la Ferté, descendant d'une ancienne famille
d'Auvergne. Un acte d’investiture passé devant Claude Devez, notaire à
Vesseaux, et portant la date du 21 avril 1638 est signée de Paule de
Chambaud, vicomtesse de Privas, de Cheylane, de Boulogne et autres
places. Le 10 janvier 1644, messire Charles de Seneterre marquis de
Châteauneuf, vicomte de Privas et de Cheylane, seigneur de Boulogne,
passe une convention avec David et Antoine Durand, Aimé Coulombaud, Jean
et Valentin Douzon, Claude Reynier, Mathieu Nadal, Jean Avon et Etienne
Lacrotte, tous habitants de Saint-Andéol-de-Bourlenc et de
Saint-Etienne-de-Boulogne, par laquelle il leur donne à prix fait à
construire une muraille devant clôturer le pré appelé Laprade dans la
paroisse de Saint-Etienne, et appartenant au seigneur. Cette muraille
doit être faite à pierres sèches et à hauteur convenable ou d'homme et
le prix en est fixé à cent vingt livres plus un sétier orge et une
charge de vin que le seigneur doit leur payer à différentes époques à
mesure de l'exécution des travaux. Cette convention est reçue par Claude
Devez, notaire à Vesseaux, et est signée de lui et par le seigneur de
Seneterre. Les reconnaissances qui furent faites en faveur du marquis de
Seneterre furent reçues par André, notaire. Henri, fils aîné de Charles
de Seneterre et petit-fils de Paule de Chambaud, épousa fort jeune,
Anne de Longueval de Crécy. A la suite d'une querelle survenue avec sa
mère Marie d’Hautefort de Lestranges, remariée à Guillaume de Meaupou,
président au Parlement de Metz, il fut trouvé assassiné en 1671 dans les
rues de Privas disent les uns, dans les rues de Paris disent les
autres; il n'avait que 27 ans.
Henriette Bibiane, sa sœur, épousa en 1680 Just François de Fay, marquis
de Gerlande. Une famille du Velay est parente avec la famille des de
Lestranges, lequel devint seigneur de Boulogne par sa femme. Il était en
se mariant seigneur de Bourlatier. Marie de Seneterre, fille unique
d'Henri qui fut assassiné et d'Anne de Longueval de Crécy, épousa en
1688 Louis de Crussol marquis de Florensac, second fils de François de
Crussol. Par ce mariage la baronnie de Privas et celle de Boulogne
passèrent dans la famille de Crussol; elles formèrent la dot de Marie de
Seneterre; mais la justice de ces deux baronnies resta à Just François
de Fay marquis de Gerlande, ayant formé la dot d'Henriette Bibiane de
Seneterre sa femme. Le château de Boulogne ou plutôt la baronnie de
Boulogne, une des principales du Vivarais, comprenait alors sous sa
juridiction six communes: Saint-Etienne et Saint-Michel-de-Boulogne,
Saint-Martin-de-Gourdon, Saint-Andéol-de-Bourlenc, Saint-Julien-de-Serre
et Saint-Pierre-de-Vesseaux. Dans une salle du château on rendait la
justice le mardi de chaque semaine, comme l'indique un registre ayant
été sauvé de la destruction et qui comprend plusieurs années, de la fin
du XVIIe siècle à l'époque du grand règne de Louis XIV. Le bailli ou
juge à cette époque, était Jean-Claude de Fayon, seigneur de Gourdon, et
le lieutenant ou suppléant de bailli était un nommé Pierre Larmande,
n0taire. Les formules de jugement semblent avoir beaucoup d’analogie
avec celles dont se servent aujourd’hui nos juges de paix. La compétence
d'un bailli paraissait être plus étendue que celle de nos juges de
paix. Ces cours ordinaires rendaient de grands services aux habitants;
il n'y avait que les affaires assez importantes qui fussent portées à la
cour royale de Villeneuve-de-Berg. Les frais d'assignation et de
citation devant la cour de Boulogne ne s’élevaient qu'à trois livres
trois sols.
Beaucoup de reconnaissances furent faites aux seigneurs de Boulogne ou
aux seigneurs ses vasseaux et furent reçues par divers notaires: on peut
citer Claude Doize et son prédécesseur Jean Chabannes, notaires à
Saint-Etienne-de-Boulogne; Pierre Pison et Jean Prinsard, notaires à
Saint-Michel-de-Boulogne; Jean Champanhet et Antoine Dumas, son
successeur, notaires à Vesseaux, etc. Louis-Armand de Vigneret Duplessis
de Richelieu, comte de Dangenois, par son mariage avec Anne-Charlotte
de Crussol de Florensac, fille de Louis de Crussol et de Marie de
Seneterre, devint baron de Boulogne ainsi que de Privas, après la mort
des parents de sa femme. Il posséda celle de Boulogne jusqu’à sa mort,
arrivée en 1743. A cette époque, la cour ordinaire de Boulogne avait
pour bailli ou juge, Jean Champanhet, de Vesseaux, et pour lieutenant de
bailli, Jean Chalabreysse de Galimard, de la paroisse de
Saint-Julien-du-Serre. En 1743, Césariette de Fay de Gerlande,
petite-fille de Just François de Fay et d'Henriette Bibiane de
Seneterre, épouse son cousin Claude Florimond de Coisse, mais meurt
après un an de mariage, après avoir donné tous ses biens à son mari.
L'année suivante, Charles César de Fay de Gerlande, fils de Claude
Florimond de Coisse, que ce dernier avait eu d’un précédent mariage,
devint baron de Boulogne après la mort de Louis Armand Duplessis de
Richelieu comte de Dangenois, de la famille des de Crussol qui
possédaient cette baronnie depuis 1688. Aussi le marquis de Gerlande
était à la fois seigneur et baron de Boulogne, mais n'était que seigneur
de Privas, les de Crussol possédant cette baronnie depuis 1688 qu'ils
gardèrent jusqu’à la Révolution. Le 23 septembre 1745, messire Charles
César de Fay, chevalier, seigneur marquis de Gerlande, comte de Moncha,
vicomte de Lestranges et de Cheylane, seigneur et baron de Boulogne,
seigneur de Privas et de Bourlatier, fait nommer recteur de la chapelle e
sa terre de Saint-Juez, vicomté de Lestranges, dans la paroisse de
Laplan, du diocèse de Limoges, messire Antoine Déylas, curé de cette
paroisse, en remplacement de messire Rogier, recteur décédé, et avec
l'approbation de Monseigneur l'Evêque de Limoges. Acte passé et recu au
château de Boulogne par Jean Thaulamesse Prinsard, notaire audit
Boulogne et collationné à Aubenas le 25 septembre, reçu six livres.
En 1764, le marquis de Latour-Maubourg, après la mort du marquis de
Gerlande, son oncle, décédé sans postérité l’année précédente, devint
seigneur et baron de Boulogne, et seigneur de Privas que, par testament,
son oncle lui légua avant sa mort. Un Latour-Maubourg, de cette
famille, fut général français et ministre de la guerre sous le règne de
Louis XVIII. Un autre fut député officiel au Corps législatif pour la
circonscription du Puy sous le second Empire. A l'époque de la
Révolution, le marquis de Latour-Maubourg n'avait plus en sa possession
que le château, toutes les terres qui étaient attachées et qui étaient
divisées en plusieurs métairies, avaient été vendues par lui peu de
temps avant; sans doute avait-il prévu ce qui arriva inévitablement.
Après la prise de la Bastille le 14 juillet 1789, les consuls des deux
communes de Saint-Etienne et de Saint-Michel-de-Boulogne, à la tête des
habitants, ayant pénétré dans le château malgré la protestation de
Pierre Coisse, fermier et chatelain du marquis de Latour-Maubourg et la
résistance des gardes, s'emparèrent des poids et mesures servant à
percevoir les cens et rentes ou droits seigneuriaux, mais ne se
livrèrent à aucun autre acte de spoliation. Ils en adressèrent un
mémoire qu'ils envoyèrent au marquis de Latour-Maubourg, habitant alors à
Paris. Le fils de celui-ci, après en avoir eu connaissance, écrivit aux
deux consuls de Saint-Etienne-de Boulogne, Etienne Délubac et Jacques
Boiron. Il leur parlait avec beaucoup de modération en les exhortant à
attendre les décisions de l’Assemblée nationale auxquelles, disait-il,
il s'empresserait de se soumettre le premier; mais ajoutait-il,
avez-vous eu le grand tort d'avoir pénétré de force dans le château et
de vous être emparés des poids et mesures, en alléguant pour motif
qu’ils sont trop forts, ce qui n'a pas lieu d'être. Plus tard, c'était
le 25 mai 1790, par acte reçu Maurin, notaire, ces mêmes habitants
formèrent un syndicat et nommèrent pour leurs présidents, Jacques
Boiron, de Saint-Etienne et Jacques Souteyrand, de
Saint-Michel-de-Boulogne. Ces deux derniers, accompagnés du notaire s'en
furent en donner sommation au château, audit Coste, afin d'avoir
désormais à aller chercher les cens et rentes au domicile de chaque
censitaire où emphythéoste, dans la quinzaine du terme de leur échéance,
mais avec les poids et mesures modifiés s'il y a lieu. Avant, et
conformément aux anciens titres, les cens et les rentes étaient portés
au château de Boulogne par les habitants.
En 1794 ce beau château avec celui de Lachamp situé dans la commune de
Vesseaux, furent vendus en adjudication par l'Etat comme biens
d'émigrés, moyennant une somme bien au dessous de la valeur réelle de
ces édifices. Un nommé Boissier, d'Aubenas, en fut l'adjudicataire et
les revendit peu après à un vandale de Saint-Etienne-de Boulogne dont il
faut taire le nom. Ce dernier, pour en tirer profit, fit aussitôt
abattre de ce beau château de Boulogne la toiture, arracher les dalles,
les pierres de taille, les boiseries, enfin tout ce qu'il put, vendre,
il ne resta debout que le portail avec des ruines qui ne manquent pas
d'attirer beaucoup de visiteurs, surtout pendant la belle saison. Quant
au château de Lachamp, il le revendit tel que, mais à profit à deux ou
trois propriétaires qui y établirent leurs domiciles; ainsi ce chàteau
échappa-t-il au vandalisme. L'abbé Volle, curé d'Asperjoc et en dernier
lien de Saint-Michel-de-Boulogne, mit fin à ces actes de vandalisme en
achetant les restes du château de Boulogne. Après l'avoir possédé
pendant plus de 30 ans, ses héritiers après sa mort, l'ont revendu au
marquis de Lestranges, de Saint-Alban d’Ay. Comme nous l'avons vu,il est
un descendant de Jean, frère d'Antoine de Lestranges, tous les deux
fils de Louis de Lestranges et petits-fils d'Anne de Joyeuse. Louis de
Lestranges était seigneur de Boulogne vers le milieu du XVe siècle.
Ainsi, nous avons dit qu'un comte de Valentinois descendant d’une des
premières familles ds France est le fondateur du château de Boulogne
vers le milieu du XIe siècle. Boulogne doit son étymologie probablement à
ce que le fondateur du château était ou venait du Boulonnais ayant pour
capitale Boulogne; plus tard peut-être, pourrons nous mieux le
préciser.
Le tableau généalogique des seigneurs de Boulogne, que nous diviserons
en trois époques: La première commençant un peu avant le milieu du XIIe
siècle et finissant en 1384, année ou messire Charles de Poitiers vendit
son chastel de Boulogne à noble Raoul ou Rodolphe de Lestranges. La
deuxième époque commençant en 1384 et finissant en 1579; année ou Réné
d'Hautefort, seigneur du Theil, devint seigneur de Boulogne, par son
mariage avec Marie-Anne, la fille unique de Louis de Lestranges; Réné
d'Hautefort prit le nom de Lestranges en signant sous ce seul nom. La
troisième époque commence en 1579 et finit en 1790, pendant laquelle
diversesfamilles, mais alliées, ont possédé le château de Boulogne.
Première époque: Adhémar comte de Valentinois est seigneur de Boulogne
au milieu du XIIe siècle. Aymard I son gendre à la fin du XII siècle: il
était fils de Guillaume de Poitiers et épousa la fille d'Adhemar
Philippe de Fay en 1165. Aymard II son fils au commencement du XIIIe
siècle. Guillaume I son fils vers le milieu du XIIIe siècle. Guillaume
II son fils vers la fin du XIIIe siècle. Hugon son fils vers 1310 ou
1320. Guillaume III son fils en 1344 à la mort de son père. Louis de
Poitiers son parent qui hérita le château de Boulogne en 1366 de
Guillaume de Poitiers comte de Valentinois. Charles de Poitiers, son
fils, en 1373 à la mort de son père. Ainsi neuf seigneurs de cette
famille ont occupé le château de Boulogne. Dexième époque: Raoul ou
Rodolphe de Lestranges est seigneur de Bou-logne en 1384. Guillaume son
fils en 1427 à la mort de son père. Louis 1er son fils en 1456 ou 1460.
Antoine son fils en 1480. Claude son fils en 1510 ou 1520. Louis II son
fils en 1563 à la mort de son père. Ainsi, six seigneurs de cette
famille, de père en fils, ont possédé le château de Boulogne. Troisième
époque: Réné d'Hautefort gendre de Louis de Lestranges de qui il épousa
la fille unique Marie-Anne en 1579. Claude Réné son fils est seigneur de
Boulogne en 1621 à la mort de son père; Paule de Chambaud sa femme lui
apporta en dot la baronnie de Privas. Claude-Réné d’Hautefort était donc
baron de Privas et deBoulogne. Paule de Chambaud sa femme est dame de
Boulogne et de Privas en 1632 à la mort de son mari qui est livré au
supplice à Alais en cette année 1632. Charles de Seneterre marquis de
Châteauneuf est seigneur de Boulogne en 1640 par son mariage avec la
fille unique de Paule de Chambaud, Marie d'Hautefort de Lestranges.
Henri son fils en 1670 à la mort de son père. Anne de Longueval de Crécy
sa femme et sa veuve en 1671, lui mourant assassiné cette année-là.
Louis de Crussol marquis de Florensac devient baron de Boulogne et de
Privas en 1688, en épousant Marie de Seneterre la fille unique d'Anne de
Longueval de Crécy; mais la justice de ces deux baronies échoit en 1680
à Just-François de Fay marquis de Geriande en épousant Henriette de
Bibianne, la sœur du marquis Henri Seneterre. Louis-Armand Duplessis de
Richelieu comte de Dangenois devient baron de Boulogne en 1722 à la mort
de Louis de Crussol de Florensac, en épousant Anne-Charlotte, la fille
de celui ci. Il était également baron de Privas, mais la baronnie de
Boulogne retourne aux Gerlande en 1744 probablement à la mort de
Louis-Armand Duplessis de Richelieu. Charles-César de Fay marquis de
Gerlande devient donc baron de Boulogne en 1744 mais n’est que seigneur
de Privas et de Bourlatier. A Just François de Fay de Gerlande avait
succédé Claude-Florimond de Coisse de Gerlande qui épousa en 1740
Césariette de Fay de Gerlande petite fille de Just-François de Fay de
Gerlande et Charles-César de Fay de Gerlande était fils de Claude
Florimond de Coisse de Gerlande. Marie-Charles-César de Latour-Maubourg
devient baron de Boulogne en 1763 à la mort de son oncle, Charles César
de Fay de Gerlande, mais sous la tutelle de son père le comte de
Latour-Maubourg comme étant enceore mineur. Ainsi avons-nous dix barons
ou dames de Boulogne de 1579 à 1790. (1)
Au premier regard, les imposants vestiges du château de Boulogne
paraissent appartenir pour l’essentiel à la fin du Moyen Âge et au début
de l’Époque Moderne. Mais, sous ses dehors tardifs, Boulogne conserve
encore un très bel ensemble des XIIe-XIIIe siècles, fossilisé par les
importants réaménagements que connaît le site à partir des dernières
années du XIVe siècle. Il faut en premier lieu noter que la topographie
des lieux a été considérablement modifiée par les travaux de la fin du
Moyen Âge et du XVIe siècle. À l’origine, le château de Boulogne se
dressait, au confluent des ruisseaux de Fougerolles, de Rantiol et de la
Boulogne, sur un pointement rocheux abrupt séparé du versant montagneux
par un étroit fossé. La vaste plate-forme qui le porte aujourd’hui est
largement artificielle et appartient aux derniers temps du site. Le
premier château de Boulogne s’articule autour de cinq éléments: un
donjon, une enceinte, un bâtiment résidentiel ou aula, une chapelle et
un habitat villageois avec lequel il formait castrum. Le donjon, qui
présente trois états successifs, occupe le point culminant de la
plate-forme castrale. À la fin du XIXe siècle, il en subsistait deux
hauts pans de maçonnerie. Aujourd’hui seule la base du donjon et sa face
orientale sont encore intactes. Le plus ancien donjon de Boulogne n’est
conservé que sur une hauteur limitée, puisqu’il a été arasé à 4,5
mètres de hauteur pour servir de base à un édifice postérieur.
Néanmoins, les éléments subsistants permettent d’en cerner les
caractéristiques principales. Cette tour présente un plan presque carré.
Sa maçonnerie est soignée: elle met en œuvre des moellons de grès bien
équarris et bien assisés, les chaînages d’angle étant taillés en
bossage. Seul le niveau inférieur de la tour est préservé: il est
constitué d’une basse-fosse totalement aveugle, l’accès au bâtiment se
faisant à un niveau supérieur. Au XIIIe siècle, le donjon primitif fait
l’objet d’une réfection presque totale. Seule la base du vieux donjon
est conservée, alors que les niveaux supérieurs sont intégralement
reconstruits.
Ce second donjon conserve donc un plan et des dimensions identiques à
ceux du bâtiment qui l’a précédé. Les maçonneries mettent encore en
œuvre des moellons de grès, mais l’appareil, plus petit, est de moins
bonne qualité: les blocs sont moins bien équarris, sans bossage, même si
par ailleurs quelques pierres à bossage du premier donjon sont
remployées de manière éparse et assisés plus sommairement. Cette
nouvelle tour maîtresse, haute de près de quatorze mètres, possède trois
niveaux: une basse-fosse aveugle héritée de la première tour; un étage
voûté par lequel se fait l’accès au bâtiment; une terrasse sommitale.
Aucune disposition de défense active n’est visible et, à l’intérieur,
l’édifice ne présente aucun aménagement de confort. C’est certainement
l’enceinte et son état de conservation remarquable qui font tout
l’intérêt du château de Boulogne pour l’étude des petites fortifications
rurales des XIIe-XIIIe siècles. En effet, non seulement cette enceinte
n’a pas été détruite lors des travaux de réfection postérieurs, mais
elle a même été protégée par ces derniers qui l’ont fossilisée sur au
moins trois côtés. Cette enceinte est constituée d’un simple
quadrilatère enserrant la plateforme rocheuse sur laquelle est établi le
donjon. Elle se referme sur celui-ci qui en occupe l’angle nord-est,
naturellement moins bien défendu en l’absence de relief marqué. Cette
enceinte est, comme le premier donjon, édifiée en moellons de grès bien
assisés. Encore conservée sur presque toute sa hauteur à l’est, et
probablement au nord, soit environ six mètres, elle présente des
aménagements défensifs limités. Aucune tour ne conforte les angles et
aucun système de crénelage, de même qu’aucune trace d’ancrage de hourds,
ne sont visibles. Seules cinq ouvertures de tir, de dimensions
modestes, percent les courtines. La façade orientale est munie d’une
porte, large d’environ deux mètres et surmontée d’un arc en plein
cintre. Aujourd’hui bouchée, cette porte représente l’accès principal au
château jusqu’aux travaux de la fin du XIVe siècle. Le château fait
encore l’objet de nombreux travaux au XVIe et au XVIIe siècles tant pour
renforcer son potentiel militaire (construction d’une tour circulaire
au nord-ouest; reprise et renforcement du rempart nord, etc.) que pour
améliorer ses qualités résidentielles (construction en deux phases
successives d’un portail monumental, etc.). Les XVIIIe et XIXe siècles
marquent la ruine progressive du château. Toutefois, celui-ci a été
partiellement restauré depuis les années 1960.
Éléments protégés MH: les ruines du château de Boulogne : classement par arrêté du 17 juillet 1915.
château de Boulogne 07200 Saint-Michel-de-Boulogne
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