Château de Rochemaure
Sur
la crête d’une montagne volcanique s’élève un dic et sur ce dic un
château fort. Tout est couleur de la lave et des basaltes. Aussi de loin
se demande-t-on par suite de quels phénomènes cette montagne noire a
été déchiquetée en une aussi bizarre et si fantastique silhouette. Le
château de Rochemaure fut certainement un des plus importants du
Vivarais et des bords du Rhône. Malheureusement, comme tant d’autres,
les guerres civiles ne l’ont point épargné. Il est, aujourd’hui,
difficile de se rendre exactement compte de l’aspect qu’il pouvait avoir
au moyen-âge. Pour arriver au donjon perché sur son rocher à pic de
tous côtés, il faut grimper par un escalier étroit, taillé dans la lave
et à peine tracé. Plusieurs enceintes enserrent le bourg, et leurs
portes fortifiées sont encore debout. L’ensemble de ces ruines est très
imposant et mérite non seulement une longue visite du touriste mais
aussi de l’archéologue. Une fois parvenus au faîte de la montagne, du
rocher et des ruines, l’un et l’autre seront certainement impressionnés.
Celui-là par la position formidable du château au point de vue
stratégique, par l’appareil de ces énormes bâtisses, etc. Celui-là par
la vue splendide du panorama grandiose qui s’étale à ses pieds. A l’est,
quoique la pente soit assez rapide, les maisons s’y étagent nombreuses.
Certaines sont élégantes avec leurs fenêtres à meneaux et leurs
ornements gothiques ou renaissance. Elles nous montrent que le châtelain
savait s’entourer d’aimables et riches vassaux nobles ou bourgeois qui
rendaient plus agréable une villégiature à Rochemaure. A peu près au
milieu de la pente, se trouve la vieille église romane autour de
laquelle se groupaient les maisons.
A l’ouest, la montagne est à pic, taillée dans la lave rougie. C’est une
gorge profonde creusée par les eaux et qui sert de fossé géant à la
forteresse. Comme le plus grand nombre des châteaux des bords du Rhône,
il commandait au fleuve et aux vallées ou défilés qui servaient de route
aux habitants des Cévennes. Le baron de Coston, dans son Histoire de
Montélimar, nous donne une intéressante description de Rochemaure:
"Avant l’invention de la poudre, ce nid d’aigle était imprenable.
Perchés, pour ainsi dire, dans les nuages, les Adhémar, ses seigneurs,
étaient à même de braver longtemps les efforts de leurs ennemis. Le
donjon de Rochemaure et la tour de Narbonne (à Montélimar) qui leur
appartenait aussi, permettaient de surveiller au loin la plaine et le
cours du Rhône, et il était facile de correspondre au moyen de signaux".
Le nouveau Dictionnaire Géographique de la France (1839) nous donne de
Rochemaure la description suivante: "Le château qui servait d’habitation
aux seigneurs est tout à fait distinct du donjon. Les deux groupes de
ruines sont séparés par un préau qui pouvait servir aux exercices de la
garnison. Le château est de date postérieure à celle du donjon". Les
premiers seigneurs connus de Rochemaure furent les Adhémar. En 1209,
l’évêque de Viviers reçut de Giraud Adhémar le château de Rochemaure
comme témoignage éternel de la piété des Adhémar. Mais l’évêque se
contenta de l’hommage et lui restitua le château à titre de futur fief
épiscopal. La vérité est que Giraud fit hommage de son château à
l’évêque pour conjurer l’orage qui le menaçait, ayant été du parti du
comte de Toulouse et des Albigeois.
Ce Giraud Adhémar (le troisième du nom d’après le baron de Coston, le
deuxième d’après M. de Boisgelin) avait épousé Mabille de Marseille. Il
émancipa, en 1227, son fils Giraudet et lui donna Rochemaure. En 1301,
Giraud Adhémar, seigneur de Rochemaure et d’Aps, exempte de la taille,
sous la seule réserve de cas impérieux, ses sujets d'Aubignas. Au XIVe
siècle, Rochemaure passa à Louis d'Anduze qui habitait alors le château
de Chomérac. En 1395, Philippe de Lévis épousa Antoinette, héritière de
la maison d’Anduze. Les Rohan-Soubise en devinrent ensuite les
seigneurs. Le 24 juillet 1784, le prince de Soubise, héritier des
Ventadour, vendit la terre de Rochemaure, avec les fiefs de Meysse et de
Sceautres, au prix de 15.200 livres, à M. de Garnier des Hières, baron
de Miraval. "Cette famille qui a donné de au début du XXe siècle
plusieurs officiers supérieurs subsiste en deux branches: La première
est représentée par le général de brigade baron de La Bareyre, par M. de
La Bareyre qui habite Etoile et par M. de La Bareyre, juge de Bourgoin,
marié à Mademoiselle de Vichy; la seconde branche a pour chef: M.
Garnier de Miraval qui habite Meysse". (Rivoire de La Bâtie: Armorial du
Dauphiné). Cette maison nous paraît originaire de Privas ou des
environs de cette ville. Nous trouvons le nom de Garnier dès le milieu
du XVe siècle à Saint-Martin-le-Supérieur et Rochessauve parmi les
principaux propriétaires. Au début du XVIIe siècle, Antoine Garnier est
notaire royal à Privas. Il fit son testament le 8 mai 1611, il nomme
Maître Etienne Garnier, notaire royal, Marie et Anne Garnier, ses
enfants, et leur lègue 600 livres, Maître Pol Garnier, notaire royal,
son autre fils. Izabeau de Garnier, femme de noble Timothée Bordier, du
Cheylar, Marguerite de Garnier, son autre fille, femme de M. Abel
Ladreit, docteur en droit, juge dudit Privas, et Marguerite Dutrémolet,
sa femme, à laquelle il lègue 1.200 livres. (Garnier, notaire,
Villeneuve-de-Berg). Le 4 février 1725, M. Jean-Pierre Garnier de La
Barreyre épouse demoiselle Marie-Madeleine Garnier, fille de Claude
Garnier, bourgeois, et de Blanche d’Auteville, d’Alissas, sa cousine
(Registres paroissiaux d’Alissas).
Rochemaure était trop important par sa position pour que ce bourg n’ait
pas joué un rôle pendant les guerres religieuses. Les Etats du Vivarais
se réunirent souvent à Rochemaure, au XVIe siècle. En janvier 1575, les
habitants de cette ville refusent de recevoir une garnison. Ils se
gardent à leurs frais, pourvu qu’on les exempte de l’imposition pour les
garnisons. Nicolas de Vesc, professeur ès droits, vicaire et official
général de R. P. en Dieu. Jean de l’Hôtel, évêque et comte de Viviers
visite les églises du diocèse. Le 23 juillet 1583 il trouve l’église de
Notre-Dame presque ruinée et démolie. Il interroge Messire Guillaume
Chautard, curé et recteur: "Où est-ce que repose le corps de Notre
Seigneur, vu qu’il n’y a point de custode et que ladite église
Notre-Dame est toute ouverte ?" Celui-ci répond qu’il le garde "en sa
chambre, n’ayant où le reposer ailleurs, attendu ladite ruine et la
pauvreté du peuple, à cause des guerres civiles qui ont régné si
longtemps". Les objets et ornements destinés à l’office divin sont tenus
en assez bon état pour ces temps malheureux. Les notables de Rochemaure
témoignent en faveur de leur curé. En 1587, beaucoup de catholiques
échappés au massacre de Montélimar viennent se réfugier à Rochemaure. En
mai et décembre 1588, les habitants craignent une attaque des
protestants. En 1590, le syndic expose devant l'assemblée tenue à la
Voulte le 3 janvier, "par devant Gilbert de Lévis, baron de Tour, qu’à
cause de la longueur des guerres passées, d’où est provenue la ruine et
désolation du pays, joint la peste, famine et stérilité des fruits
advenue depuis quatre ou cinq ans, il y a grand nombre de lieux et
paroisses déshabitée, les habitants ruinés, morts ou partis", impossible
de payer les cotes. Dans la même assemblée il est convenu que certaines
places ne seront pas démantelées, parmi lesquelles Le Rourg, Viviers,
Saint-Thome, Le Teil, Rochemaure, Bays, Le Pouzin, La Voulte,
Saint-Vincent-de-Barrès, etc. Les armes de la ville de Rochemaure sont
"D'argent, à trois rocs de sable; au chef d’azur chargé de trois fleurs
de lys d’or".
Éléments protégés MH: le château,
avec les deux murs d'enceinte et la tour du Guast (ruines) : classement
par arrêté du 22 mars 1924.
château de Rochemaure 07400 Rochemaure
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