Château d'Entrevaux
Entrevaux
était certainement un des châteaux les plus importants de la vallée de
l’Ouvèze. La Renaissance y avait apporté tout le confort possible et, en
particulier, l’usage de placer au centre même du bâtiment, l’escalier,
auquel on donnait alors un développement considérable et qui devenait
souvent la partie la plus soignée de l’habitation. Le rez-de-chaussée
est voûté, et l’on remarque à la salle à manger, ainsi qu’à la cuisine,
de belles voûtes d’arrêté et des cheminées monumentales. Au premier
étage, non seulement les pièces sont vastes et leurs cheminées
proportionnées à leur dimension, mais les fenêtres à meneaux les
inondent de soleil. Les plafonds, à la française, sont peints en rouge
foncé, avec des ornements renaissance jaune d’or. Entrevaux conserve
intérieurement tout son caractère, c’est ce qui en constitue le
principal intérêt et en fait un des rares spécimens, restés intacts, des
vieilles demeures seigneuriales de ce pays. Extérieurement, l’aspect de
cette construction revêtue de pierres volcaniques, à l’épreuve des
boulets du XVIIe siècle, est imposant. La façade du midi, donnant sur
une cour spacieuse, est percée de deux étages de croisées à meneaux. A
l’est et à l’ouest, nous retrouvons ces mêmes croisées. Au nord,
d’étroites ouvertures, grillées jusqu’au premier étage, sont disposées
pour la défense et donnent sur un large fossé. Cette énorme masse,
autrefois couronnée de hourds, est flanquée de quatre tours circulaires
écimées par ordre de Richelieu, après le siège de Privas, en 1629. A
l’ouest, la cour est limitée par les communs que terminent à l’angle
sud-ouest le donjon et une salle voûtée qui devait servir de corps de
garde. Par trois marches on descendait du corps de garde sur la terrasse
crénelée qui dominait une sorte d’esplanade ou préau limité au sud par
l'Ouvèze qui coule à 80 mètres plus bas. A l’angle sud-est de la cour,
une guérite était réunie au château par un rempart crénelé. Entre la
guérite et le château, s’ouvrait un pont-levis, sur un large fossé.
L’entrée directe du château avait également son pont-levis.
La partie des communs et du donjon paraît beaucoup plus ancienne. Des
traditions et des légendes locales font cependant remonter le château à
une époque bien plus reculée et racontent qu’Entrevaux fut attaqué et
pris par les routiers, furieux d’un échec subi devant le monastère de
Saint-Michel, dont les ruines se voient encore au sommet de la montagne
de Charay. Cette attaque du monastère voisin d’Entrevaux est prouvée par
les documents et permet d’ajouter foi (au moins dans une certaine
mesure) à la tradition rapportant la prise et le sac d’Entrevaux. On
peut placer ce fait vers le commencement du XVe siècle. Le château doit
dater, dans la partie moins ancienne, de cette époque où les artistes
italiens envahirent la France et où les châtelains, inspirés de ce
qu’ils avaient vu à Naples pendant l’expédition de 1495, firent
transformer ou construire leurs demeures au goût du jour. Ils les
entouraient de ces jardins merveilleux que Charles VIII signale de
Naples à son beau-frère, Pierre de Bourbon. Entrevaux et ses seigneurs
jouèrent un rôle important pendant les guerres des XVIe et XVIIe
siècles. Les commentaires d’un Soldat du Vivarais nous fournissent
quelques notes que nous donnons ici: "En ce temps-là, le sieur
d’Entrevaux, huguenot, lequel à l’arrivée du roi avait remis en
l’obéissance son château qui est proche de Privas et au derrière du fort
de Toulon, fut prié, par quelques officiers de Sa Majesté, de leur
donner le couvert en une grange proche le château, dans lequel était
logé M. le comte de Soissons; ce qui étant venu à la connaissance des
assiégés, ils firent une sortie de la ville, à la faveur du fort de
Toulon, et ayant la nuit investi ladite grange, tuèrent un desdits
officiers, prirent les chevaux et les bagages, et les autres, au nombre
de quatre ou cinq, se garantirent, s’étant barricadés en un quartier".
Ce même fait est rapporté dans le journal historique du siège de Privas.
Nous y lisons encore que: "Le cardinal de Richelieu rencontra douze
jeunes filles, qu’il fit conduire au château d’Entrevaux pour les
dérober à la brutalité des soldats. On lui porta un enfant de sept mois
trouvé sur le sein de sa mère morte; il l’appela Fortuné de Privas, et
le confia aux soins de l’évêque de Saint-Paul-Trois-Châteaux, qui le
fit, dans la suite, élever chez les Cordeliers de Montélimar. Cet enfant
devint la tige de la famille Liotard qui existe encore".
Dans l’intérieur du château nous trouvons, fort bien conservée, la
chambre dite de Richelieu; sur la monumentale cheminée sont peintes les
armes des de Bénéfice, seigneurs d’Entrevaux: Ecartelées au 1 er de
gueules, à deux lévriers d’argent courant l’un sur l’autre; au chef de
gueules chargé de trois rocs d’échiquier d’or (qui est de Bénéfice); au 2
e de gueules, à la croix d’argent alaisée, au pied fiché (qui est de
Pape de Saint-Auban); au 3 e d’azur, à la colombe d’argent tenant en son
bec un rameau de sinople, accompagné de trois étoiles d’argent (qui est
d’Anjou); au 4 e d’or alias d’azur, au chevron d’azur alias d’or
accompagné de trois têtes de léopards de gueules alias de sable
arrachées, languées et alumées de gueules (qui est de Forbin). Le 16
juin 1546, Alexandre de Bénéfice, baron de Cheylus, épousa Claudine de
Forbin, fille de François de Forbin et de Catherine d’Anjou. Leur fils,
Antoine de Bénéfice de Cheylus, le premier seigneur d’Entrevaux connu de
ce nom, eut de son mariage avec Judith de Barjac, fille de François de
Barjac et de Claudine de la Marette, dame de Pierregourde, deux enfants
dont René, seigneur d’Entrevaux et de Châteauneuf, maréchal de bataille,
1647, colonel d’un régiment d’infanterie et Antoine. René de Bénéfice,
seigneur d’Entrevaux, épousa Françoise Pape de Saint-Auban, fille de Guy
Pape II, seigneur de Saint-Auban, gentilhomme ordinaire de la chambre
de Louis XIII, et de Mabille des Massues de Vercoiran. Il n’eut pas
d’enfant et fit son héritier Charles d'Ythier, fils de Louis, capitaine
commandant une compagnie de Chevau-Légers au régiment de Montauban, et
de Paule de la Tour de Chomérac, fille d’Antoine de La Tour, seigneur de
La Garde et de Savas, et d’Ysabeau de Barjac, Son petit-fils, Louis
Ythier d’Entrevaux, capitaine au régiment Dauphin, chevalier de
Saint-Louis, mourut à Privas, le 11 mars 1791, ne laissant pas d’enfant
de Marie de Monteil. Entrevaux passa ensuite à la famille de Bronac qui
l’habita pendant la Révolution et le Premier Empire, puis le vendit à un
paysan qui se mit en devoir de dévaster le château, en conscience. Ce
que voyant, M. Philippe Benoit, de Payre, dont la famille était
plusieurs fois alliée aux de Bénéfice et aux Ythier de la Tour de
Chomérac, racheta Entrevaux pour le sauver des mains du vandale. Il
appartenait au début du XXe siècle à M. Benoit d’Entrevaux, directeur de
la Revue du Vivarais.
Éléments protégés MH: les
façades et les toitures, les deux pièces du premier étage dénommées
grand salon et chambre de Richelieu : inscription par arrêté du 28 avril
1970.
château d'Entrevaux 07000 Saint-Priest
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